LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

La communauté transgenre sur YouTube

Dossier réalisé par CAILLAUD Elisa et KAILANATHAN Sugantha – G2 CMW

Comment YouTube a t-il aidé la communauté transgenre à s’accepter ?

INTRODUCTION

“Monsieur, c’est l’interface que j’utilise, mon identité de genre se situe en dehors de ces deux cases” dit Antonin Le Mée. Dans la vidéo conférence TED Talks intitulée La binarité, c’est pas mon genre du 4 août 2016, Antonin Le Mée dénonce l’image d’une société façonnée par la binarité. Loin de la binarité féminin-masculin, pour certains individus, le genre se vit dans le mouvement et la fluidité. Le genre est un phénomène fluide qui change et évolue. Aujourd’hui, le terme non binaire est généralement remplacé par le terme genderqueer. Un individu Gender Fluidgenderqueer ou non binaire – ne se considère ni homme ni femme et s’oppose ainsi à la hiérarchie des genres. Dans une société occidentale régie sur le principe de la binarité homme-femme, les personnes transidentitaires sont sans cesse confrontées au rejet et à l’ignorance. Télévision, séries, films, réseaux sociaux, mode : les personnes transidentitaires sont de plus en plus visibles dans l’espace public.

Si les représentations des transidentitaires a évolué, leur acceptation dans la société est timide1. Selon Arnaud Alessandrin, “Une sociologie des transidentités ne doit pas être trop rigide quant à sa définition et concerne au même titre les individus revendiquant une identité binaire, queer, agenre, non-binaire, travestie, etc.” Le transgendérisme désigne toute personne qui ne s’identifie pas aux règles traditionnelles des genres masculins et féminins. Les pionniers des études de genre ont souvent fait référence à Michel Foucault. Un cas d’hermaphrodisme au XIXe siècle est notamment analysé par le philosophe comme l’illustration des « limbes heureuses d’une non-identité » – il fait indirectement référence à la non binarité2 -.

Le Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail offre une définition du mot transidentité : “Décalage entre le sexe biologique et l’identité de genre, ressenti à différents degrés par les transsexuelles, les transgenres et certaines personnes queers”.

Avant le XXème siècle, alors que l’Occident reposait déjà sur la binarité, le transgénérisme – appelé bispiritualité – est une constituante important des tribus amérindiennes dans les tribus amérindiennes. Les personnes dont l’identité de genre n’était pas clairement établie. Ils étaient appelés les Êtres-aux-deux-Esprits3. De nombreuses études sur la question du genre ont émergé dans les années 80 : gender studies, transgender studies ou encore queer studies (le mouvement queer avance que le genre crée la différence sexuelle entre hommes et femmes. Le terme « queer » fait référence au mouvement culturel et au courant théorique considérant que les identifications de genre, les sexes et la sexualité ne reposent sur aucune essence identitaire ou naturelle mais sur des rapports sociaux de pouvoir institués, performés et contestés dans l’ensemble des médiations et des représentations constitutives des rapports de genre) conduit dans les années 1990 par Judith Butler (née le 24 février 1956 à Cleveland, est une philosophe américaine, professeure à l’Université Berkeley depuis 1993. Une thématique importante de sa réflexion est le genre, les queers et la théorie queer. Dans son ouvrage intitulé Transidentités : ordre & panique de Genre : Le réel et ses interprétations, Karine Espineira émet une analogie entre les personnes transidentitaires et la figure du mutant, faisant référence aux comics X-men avec des personnages emblématiques tels que Wolverine, Cyclope ou encore Jane Grey (issu des Marvel Comics, la bande-dessinée X-men a été créé dans les années 60 de Jack Kirby et Stan Lee). Ces mutants sont nés avec des pouvoirs surnaturels, “considérés comme les fruits de l’évolution ou qualifiés d’erreurs de la nature.” L’affiche de l’Existrans 2008 – manifestation militante pour les droits des personnes trans et intersexes qui est une marche annuelle – reprend les visuels et les codes des personnages mutants des comics américains4.

Affiche Existrans, 2008

Si les mouvements de défense des droits des transidentitaires se sont mondialisés, les trans sont toutefois sujets à la transphobie qui gagne les médias et l’Internet. Au fil des années, les identités et l’utilisation des expressions de genre non normatives et non binaires ont été négligées. En 2018, au travers des transformations sociétales, une nouvelle communauté commence à revendiquer ses droits sur YouTube : les transgenres.  YouTube a été la plateforme qui a vu croître la visibilité de la communauté transidentitaire et notamment la communauté transgenre. Si les mouvements de défense des droits des transidentitaires se sont mondialisés, les trans sont toutefois sujets à la transphobie qui gagne les médias et l’Internet.

      Nous nous demanderons ainsi comment YouTube a aidé la communauté transgenre à s’accepter. Dans une première partie, nous traiterons de la communauté transgenre au 21ème siècle, ensuite nous évoquerons la liaison entre cette communauté et la plateforme de vidéos YouTube.

PARTIE 1 : La communauté transgenre à l’ère du 21ème siècle

  1. Contexte historique et socioculturel

a. Le début des études de genres

Le courant des gender studies a donné lieu dans les années 1990 aux Etats-Unis, au courant transgender studies5. Les années 1980 ont été marquées par l’émergence des gender studies avec des chercheurs qui s’intéressent petit à petit à la différence entre les sexes et à la notion de genre. En effet, les études et les questionnements sur le (le transgendérisme ou transgénérisme désigne toute personne qui ne s’identifie pas aux règles traditionnelles des genres masculins et féminins.) et la transidentité apparaissent dès les années 1970. Selon Wikipedia, « Transgenre est un néologisme français reflétant une terminologie évolutive pour décrire les personnes dont le genre – l’identité psychique et sociale reliée aux concepts d’homme et de femme – entre en conflit avec leur sexe biologique »6. Depuis les années 2000, “le préfixe « trans » est associé au suffixe « identité » dans le contexte français. Depuis les années 1950, le préfixe près a été associé à la sexualité d’où le terme transsexualité et ensuite au genre (transgenre) dans les années 19707.

Suzanne Kessler et Wendy McKenna, deux ethno-sociologues auteures de l’ouvrage Une approche ethnométhodologique du genre (2018) sur la construction du genre, attribuent la première utilisation du terme « transgenre » à Virginia Prince, activiste transgenre. A la fin des années 1980, elle désirait devenir une femme sans passer par une opération sexuelle. Employé depuis 1990 pour désigner toutes les variations de perception du genre, le terme “transgenre” fait suite à une volonté de refus d’une psychopathologisation et d’une stigmatisation.

L’histoire a été traversée de grandes figures dont l’identité sexuelle n’était pas celle attribuée par leur sexe biologique. La question de l’ambiguïté de genre s’est illustrée au cours de l’histoire dès le XIXème. Cependant, dans Le transgenre : une histoire de tous les temps ? Pierre-Olivier Chaumet démontre que l’histoire regorge de personnalités “transgenres” passant par l’Antiquité au Moyen-Age ou de la Renaissance à l’Ancien Régime avec des personnalités telles que le Chevalier d’Eon (au XVIIIème siècle, le chevalier d’Eon se présente en homme ou en femme lors de ses missions secrètes. Après avoir révélé être de sexe féminin, le roi lui ordonne de ne plus se travestir en homme. Il devient officiellement Mlle d’Eon et n’a plus accès à l’armée, aux affaires politiques et à la diplomatie) ou encore Jeanne D’Arc. Depuis près de deux millénaires, les hommes et les femmes ont été confrontés au doute face à leur identité sexuelle8. Devenue une figure revendiquée par la communauté queer depuis les années 90, Jeanne d’Arc est assimilée à une figure transgenre de l’Histoire car elle était une femme et se travestissait en homme.

b. Sur la voie du transgendérisme

De nombreux chercheurs ont fait des découvertes innovantes en matière de genre dès le début du XXème siècle. En 1910, Magnus Hirschfeld, médecin allemand spécialiste des maladies liées aux hormones, définit le sexe comme un spectre dont les extrémités sont le masculin et le féminin. Il crée le terme de « travesti », qu’il a popularisé afin de désigner les personnes jouant un rôle de genre non conforme à leur biologie et leur physionomie. Il a également démontré que le travestissement se retrouvait dans les deux sexes, sans distinction de l’orientation sexuelle9. Dès les années 1920-1930 plusieurs expériences de réassignation sexuelle ont eu lieu afin de traiter les cas de transsexualisme. En 1930, une première opération pratiquée par le chirurgien Magnus Hirschfeld sur la célèbre artiste peintre Lili Elbe – né Einar Wegener – eut du succès10..Né sous l’identité de Laura Maud Dillon, le médecin britannique Michael Dillon (1915-1962) a été la première personne transgenre à subir une phalloplastie en 1946 (opération qui consiste à recréer un pénis). Il a notamment aidé le premier homme à vivre cette opération. Il pratique une orchidectomie sur Roberta Cowell (1918-2011). Ancienne pilote britannique, elle a ainsi été la première femme à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle. La chirurgie de réattribution sexuelle (ou de réassignation sexuelle) est l’opération chirurgicale permettant de modifier les caractéristiques sexuelles initiales afin d’obtenir l’apparence du sexe opposé. Reprenant les idées de Magnus Hirschfeld (créateur de l’Institut pour la science sexuelle), l’endocrinologue Harry Benjamin est à l’origine du terme « transsexuel » en 1953. Le terme s’est par la suite imposé en France, dans les milieux psychiatriques et médicaux mais également à travers les médias. Les deux hommes suggèrent ainsi que les transsexuels vivent « dans le mauvais corps ». De plus, l’expression « changement de sexe », s’est notamment répandue dans le monde dans les années 1950. Face à l’évolution des pratiques, les médecins psychologues signalent alors que le transgendérisme ne renvoie pas à un problème ou à un trouble11.

Transgenre, travesti, transsexuelle, cisgenre, androgyne etc. : Pour certains individus, tous ces termes peuvent sembler complexes. Il est ainsi indispensable d’évoquer chacun de ces termes. Une personne transsexuelle est une personne pour qui les attributs sexuels ne correspondent pas à l’identité, et qui a un fort besoin de modifier son corps, par le biais d’une thérapie hormonale ou une chirurgie de réassignation sexuelle. Karine Espineira, docteure en sciences de l’information et de la communication, cofondatrice et co-responsable de l’Observatoire des transidentités et de la revue Cahiers de la transidentité définit “trans” comme étant des personnes identifiées ou auto-identifiées comme transsexuelles, transgenres, trans ou entres au sens d’identités alternatives12. D’après le Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail réalisé par la Chambre de commerce gaie du Québec le mot transgenre désigne une “Personne dont l’identité de genre ou le sexe biologique se situe en dehors du binarisme homme-femme, qui ne s’identifie pas à son sexe assigné à la naissance ou qui a entamé un processus afin de faire mieux correspondre son expression de genre et son identité de genre”. “Dans certains milieux, le terme désigne les personnes trans dont la transition n’implique pas de traitement hormonal substitutif ou de chirurgie de réassignation sexuelle”. Une personne transgenre ne ressent pas obligatoirement le besoin de modifier son anatomie. Penser le genre pour les personnes transidentitaires ou non est une réflexion qui a évolué et évolue encore aujourd’hui.

D’après, Wikipédia, Les personnes trans sont plus de 15000 en France selon les chiffres du milieu associatif. Victimes de rejet et de violence, “Arnaud Alessandrin et Karine Espineira relève que 85% des répondants transidentitaires ont été victimes de transphobie dans leur vie et que 35% l’ont été plus de cinq fois au cours des douze derniers mois”13. Au XXIe siècle, la notion de « transgenre » concernerait ainsi divers types d’expressions identitaires, regroupant des individus tels que des travestis, des transsexuels ou encore des androgynes qui considèrent que leur identité sexuelle, attribuée à la naissance, ne leur correspond pas. Une personne transgenre – opérée ou non – est ainsi quotidiennement en opposition avec les normes attendues de son sexe biologique, ce qui est visible via son comportement, ses mœurs, ses tenues vestimentaires, ou même sa manière de se maquiller.     

c. Médiatisation des « pionnières » transgenres

Si les problématiques transgenres sont de plus en plus mises en avant depuis quelques années avec l’Internet, le cinéma, la musique et les arts en général, les transidentités dont les transgenres ou les transsexuels sont souvent caricaturés et mis au ban de la société. Les évolutions et les revendications de la communauté trans ont contribué à de grandes avancées légales en France. En 1992, les personnes transsexuelles ont le droit de changer d’état civil, mais la procédure reste compliquée. Les troubles de l’identité de genre ne sont plus considérés comme une maladie psychiatrique le 8 février 2010. Un décret, paru au Journal officiel, émanant du ministère de la Santé et des Sports stipule que les mots “troubles précoces de l’identité de genre” sont supprimés du code de la Sécurité sociale. Le parti politique la Manif Pour Tous est créé en avril 2015, parmi ses revendications, s’oppose à l’enseignement de la théorie du genre à l’école. C’est en août 2015, que le tribunal de Tours reconnaît pour la première fois un troisième sexe, le sexe neutre, à une personne intersexuelle. L’état-civil porte désormais une « mention neutre »

Les témoignages des personnes transgenres pullulent au sein de l’espace médiatique. “Maud-Yeuse Thomas, qui lors des séminaires Q – organisés par le sociologue Sam Bourcier en 1998 -, expliquait que son changement de sexe avait duré cinq heures sur une table d’opération tandis que son changement de genre lui avait demandé trois décennies.” 14Une évolution des mentalités s’observe dans le monde entier.

Aux Etats-Unis, la médiatisation de Christine Jorgensen en 1952 a suscité la ferveur du grand public. Loin d’être la première personne à avoir changé de sexe, Christine Jorgensen – née Georges William Jorgensen – est devenue la première à rendre publique sa transformation. Devenue une célébrité et pionnière trans, elle est une des premières personnalités à mettre en lumière les dysphories de genre. Courtisée par les médias et Hollywood, Christine chantait et donnait des spectacles pour le plaisir de son public. Il faudra ainsi attendre la fin des années 1980 pour assister à l’émergence d’une visibilité prenant une forme revendicative. En France, Jacqueline Dufresnoy surnommé Coccinelle devient, en 1956, la première française à changer subir une réassignation sexuelle, – la loi française ne lui en reconnaît pas le droit -. Le 18 mai 2017, Paris a notamment inauguré, la Promenade Coccinelle en son honneur. Son amie Marie-Pierre Pruvot, alias Bambi, change également de sexe. Star des cabarets des années 50 et 60, elle s’est mariée en 1960 à l’église avec un journaliste, ce qui provoque à l’époque un véritable scandale. Son mariage a fait la une des journaux15.Jacqueline Dufresnoy et Marie-Pierre Pruvot seraient ainsi les pionnières transgenres en France.

La représentation des transgenres dans la culture et les médias a évolué au fil des decennies essentiellement grâce à des figures médiatiques importantes. Si la télévision et le cinéma représentent des personnages transgenres, ils sont incarnés par des acteurs ou actrices cisgenres (Le cisgenderisme est un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond à son sexe biologique, assigné à sa naissance, par — en France — l’officier d’état-civil.). En effet, la communauté transgenre est de plus en plus médiatisée depuis l’avènement de personnalités américaines telles que Caitlyn Jenner (“En avril 2015, Bruce Jenner, beau-père de la star de téléréalité Kim Kardashian, annonce sur la chaîne ABC qu’il se considère comme une femme transgenre depuis plusieurs années. Et qu’il a entamé les traitements nécessaires en vue d’une opération chirurgicale” : “Caitlyn Jenner, 68 ans bientôt remariée avec sa copine de 22 ans”16 ou encore Laverne Cox, actrice révélée au monde entier grâce à son rôle dans la série Orange Is The New Black. Les deux femmes sont devenues des icônes pour la communauté transgenre. Le réalisateur espagnol de Pedro Almodovar sublime les travestis, transformistes, transgenres ou homosexuels dans ses films.

Quant à la France, il n’y a pas de personnalité iconique transgenre. Contrairement aux américains, les personnalités transgenres sont invisibles sur les écrans français. En devenant la première playmate transgenre du mois en 2017, la mannequin française, Inès Rau a été propulsée par les grands médias tels que C à Vous, Le Quotidien et Konbini. Certes, les représentations des personnes transidentitaires sont de plus en plus fréquentes dans les médias, dans le cinéma mais les discriminations et les stéréotypes à l’égard de cette communauté demeurent encore aujourd’hui visible17.

d. Une communauté discriminée malgré un foisonnement associatif

De nombreux sont victimes de discrimination à l’école, au travail, dans l’accès à la santé. Les années 1990-2000 se sont marquées par le développement des associations et une structuration des revendications. La pratique de certains médecins ayant évoluée, l’approche des psychiatres a changé, certains ont ainsi accepté de délivrer des traitements hormonaux-chirurgicaux. Dans son ouvrage Masculin/ Féminin : états des lieux, Martine Fournier démontre qu’en “1992, ce terme est élargi par l’activiste Leslie Feinberg, dans Transgender Liberation : il devient un terme inclusif, qui comprend toute la communauté trans’, modification corporelle ou pas”. Si les mouvements transidentitaires se développent dans les années 90 avec quelques associations devenues emblématiques, les individus sont confrontés à une forme de maltraitance médiatique sur la transphobie circule au sein de l’espace public. Les violences commises contre les personnes transgenres sont nombreuses. Chaque année, des personnes trans sont harcelées verbalement et physiquement, battues, violées et tuées en raison de leur identité. En 2012, après avoir changé de sexe, Karima Saddiki s’est vue refuser un changement d’état civil. Elle s’est suicidée18.En France, à Paris ou en province, de nombreuses associations transgenres se sont constituées et promeuvent ainsi les droits des trans. Parmi elles, se trouvent l’Association du syndrome de Benjamin créée en 1991 (dissoute en 2008), l’association Existrans créée en 1997 et OUTrans fondée en avril 2009. La première marche Existrans a eu lieu à Paris, et a réuni près d’une soixantaine de personnes (les différentes campagnes : Le monde avance, la France recul (2015), Intersexe et trans contre vos violence (2017)). Entre 2008 et 2014, plus de 1600 meurtres sont alors comptabilisés19.Le collectif Transgender Day of remembrance (le TDoR), qui a lieu le 20 novembre commémore les actes transphobes à travers le monde depuis 1999, en mémoire aux victimes de la transphobie, aux personnes assassinées et poussées au suicide à cause de leur non-binarité au sexe binaire.

L’homophobie est considérée comme un délit contrairement à la transphobie. Créé en 2005, TGEU (TransGender Europe) compte 100 organisations membres dans 42 pays fin 2016. Depuis 2009, Stop Trans Pathologization (STP) vise à dépathologiser les représentations et les prises en charge des personnes trans à travers le monde.  Elle compte 417 groupes et réseaux activistes, institutions publiques et organisations politiques d’Afrique, Amérique Latine, Amérique du Nord, Asie, Europe20. Le site indépendant L’Observatoire des transidentités (ODT) a été créé dans le but de valoriser les transgender studies, – les études transidentitaires -, des études menées par des personnes trans sur les questions qui les concerne. Maud-Yeuse Thomas, Karine Espineira et Héloïse Guimin-Fati sont les coresponsables de l’ODT21. En 2012, un dictionnaire des cultures trans nommé La Transyclopédie est publié par Arnaud Alessandrin, Karine Espineira, Maud-Yeuse Thomas22. Les actions militantes, les évolutions récentes du droit et des protocoles de santé en France comme à l’étranger ont ainsi été bénéfiques aux personnes transidentitaires, sans toutefois répondre entièrement à leurs revendications.

2. Implication sur YouTube

a. YouTube et la communauté transgenre

Créée en 2005, YouTube est devenu le géant de la plateforme communautaire de partage de vidéos en ligne. Selon Médiamétrie, près de 25 millions d’internautes français ont consulté chaque mois plus de deux heures de vidéos sur YouTube en 2015. Depuis 2012, YouTube a connu une évolution en termes de contenus. Face à une concentration accrue de vidéos de genres diversifiés, les internautes sont parfois dans un état addictif. La plateforme est un avant tout un outil facile d’usage et gratuit qui permet à tout un chacun de s’exprimer. Aujourd’hui, les internautes sont constamment dans l’attente, la demande de vidéos est de plus en plus grande sur YouTube. La communauté transidentitaire est de plus en plus nombreuses sur YouTube qui regorge de vidéos de personnes trans. Nombreux sont les youtubeurs transgenres. YouTube est la plateforme qui a vu croître la visibilité de la communauté transidentitaire et notamment la communauté transgenre. Les personnes transidentitaires se battent quotidiennement afin de pouvoir disposer pleinement de leur identité sans subir la pression sociale liée aux codes de la binarité des sexes. Le développement de la communauté transgenre sur la plateforme est ainsi dû à l’évolution des mœurs, à un besoin de s’exprimer et de s’entraider. La communauté transgenre étant invisible à l’écran en France, YouTube devient alors un espace de d’expression de soi, un lieu où l’individu est en confiance.

Cependant, YouTube a suscité la polémique. Le jour de la Gay Pride le 30 juin 2018, le géant de la vidéo en ligne a présenté ses excuses à la communauté LGBT pour avoir démonétisé leurs vidéos dans une série de tweets : « Nous sommes fiers des incroyables voix LGBTQ qui s’expriment sur notre plateforme et du rôle important que vous jouez dans la vie des jeunes personnes. Mais nous avons aussi eu des problèmes et nous avons laissé tomber la communauté LGBT. Nous en sommes désolés et nous voulons faire mieux »23. En mars 2017, plusieurs youtubeurs LGBT se rendent compte que leur vidéos personnelles traitant des sujets variés tels que le coming-out, la sexualité, la transition, ou encore la réassignation sexuelle sont invisibles aux internautes ayant activé le mode restreint – semblable au mode du contrôle parental – à la demande de l’internaute, qui filtre les contenus inappropriés. Cible fréquente de discours de haine, la communauté LGBTQ est fortement présente sur YouTube. Des milliers de vidéos sont postées sur YouTube par des personnes qui se filment, face caméra et qui donne l’aspect d’une confession intime. Le principe de ce genre de vidéo est de provoquer un sentiment de connivence et de proximité avec l’internaute.

b. YouTube, un espace d’expression

YouTube devient ainsi un moyen de raconter son histoire : leur transition – le mot transition est privilégié à l’expression “changement de sexe” -. “Transition” est le mot employé par les transidentitaires : “Période durant laquelle une personne entreprend volontairement un processus visant à faire correspondre son expression de genre et son identité de genre, qui marque une évolution vers le réel identité”24. Plusieurs éléments entrent en compte : la voix, l’habillement, la gestuelle, l’état-civil. Certains éléments relèvent quant à eux de l’initiative personnelle, comme le maquillage, le choix d’une opération, ou une modification de nom. Certaines personnes trans ne souhaitent pas “transitionner” (les personnes transgenres utilisent ce terme pour parler de changement de sexe), ne prennent pas d’hormones. Les youtubeuses transgenres telles que Laura Badler, Dame Victoire ou encore Lyanna vont ainsi raconter leur parcours.

Les youtubeurs fournissent parfois des explications sur des termes qui peuvent paraître complexes pour certains. Des abréviations venues du vocabulaire des transgenres eux-mêmes sont constamment employés dans la communauté. Ces termes sont en parti influencés par la communauté des Etats-Unis. Ainsi, un « FTM », est une abréviation de l’expression anglo-saxonne signifiant « Female to Male » (une femme biologique devenue un homme). Inversement, une « MTF », signifie « Male to Female » (un homme biologique devenu une femme).

Nombreux sont les témoignages de personnes transgenres dans les médias. Néanmoins, la médiatisation des personnes transidentitaires est généralement associée à leur transition dans le domaine médical s’intéressant à leffet avant/après d’une personne trans. En effet, la curiosité des internautes relève davantage de cet aspect physique. De plus, il est difficile de trouver, autrement que sur les sites LGBT et dédiés aux transgenres, un récit historique de la cause transgenre. Le manque de d’information sur la transidentité et le manque de publications francophones poussent les personnes transgenres à s’affirmer et à se diriger vers Youtube. Les youtubeurs militants Laura Badler et Adrian de la Vega ont tous deux commencé à se renseigner sur la transidentité sur le web. La jeune femme n’avait jamais entendu parler de transidentité à l’école. « Le but de mes vidéos, c’est de dire aux gens qu’ils ne sont pas seuls. Beaucoup m’écrivent pour me dire : “Je vais bien grâce à toi”. »25

Selon Adrian de la Vega, Youtube serait une fenêtre médiatique qui permet de faire passer des messages. La visibilité des trans dans les médias est paradoxale : les assassinats contre les trans et d’un autre côté, les influenceurs, youtubeurs, acteurs transgenres26. Ils insistent sur l’importance d’aider les autres. Le youtubeur affirment que ses vidéos sont bénéfiques aux autres mais il reconnaît également que ses vidéos lui ont été bénéfiques. Certains renseignent sur les associations, les structures d’urgence comme Adrian de la Vega qui informe sa communauté sur une journée fêtée dans le monde entier : La journée internationale de la visibilité trans, un événement positif qui incite à la valorisation des trans (créée 2009 par l’activiste trans Rachel Grandal).

PARTIE 2 :  La communauté transgenre sur YouTube

1. Visibilité de la communauté transgenres

  1. Les youtubeurs transgenres : désir de partage

Grâce à l’internet avec les vidéos témoignages de youtubeurs et youtubeuses, les transidentités ne sont plus isolées. Parfois isolés à l’école et à leur domicile, les jeunes transidentitaires trouvent du soutien et du réconfort auprès des vidéos de personnes trans. En effet, les réseaux sociaux et les communautés en ligne comme YouTube ont pu modifier la façon dont les adolescents construisent leur identité27. Les transidentitaires et spécialement les jeunes se tournent vers les youtubeurs pour obtenir des réponses et des informations. YouTube est permet de poser des questions auxquelles les jeunes trans ne trouvent de réponse ni à la maison ni à l’école. Les vidéos YouTube et l’appartenance commune à un groupe facilite l’échange.

Les américaines Nikita Dragun et Gigi Gorgeous seraient les premières youtubeuses qui se sont affirmées transgenres. En 2013, fait son coming-out trans dans sa vidéo “I am transgender”, vidéo qui a plus de 3 millions de vue aujourd’hui. Deux années plus tard, Nikita Dragun – qui était Nick Dragun – se dévoile dans sa vidéo “I am transgender” qui fait près de 2 millions de vues. Les premières vidéos sur la transidentité sont ainsi très récentes. En France les youtubeurs transgenres ayant le plus de notoriété sont les youtubeurs militants Laura Badler et Adrian de la Vega.

Militant de la cause trans sur YouTube, Adrian de la Vega est l’un des premiers francophones à raconter son parcours et répondre aux questions via sa chaîne de vidéo. Le youtubeur transgenre de 22 ans Adrian De La Vega ouvre la voie vers l’acceptation d’une communauté. L’AJL (l’association des journalistes lesbiennes, gays, bi.e.s et trans) lui a décerné son Out d’Or – la cérémonie de remise de prix de la visibilité LGBTI. -, le sacrant personnalité LGBT de 2017. Ses vidéos sont altruistes, pédagogiques et permettent d’offrir une visibilité et une aide précieuse à toutes les personnes concernées de près ou de loin par la transidentité – les transidentitaires comme les cisgenres -.

La première raison qui poussent les personnes transgenres à suivre la voie de YouTube, est le manque d’informations sur la transidentité sur des questions comme comment changer de sexe ? Les informations sont majoritairement disponibles en anglais. Si d’autres personnes françaises abordaient la question de la transidentité, Adrian de la Vega est le premier à faire du contenu pédagogique et explicatif.

Comme Adrian, Laura Badler est aussi une youtubeuse militante. Elle a commencé sa transition en 2015 et en fait des vidéos. De son premier rendez-vous chez le psychiatre à sa mammoplastie, de sa prise d’hormones à ses démarches pour changer de nom à la mairie, elle dévoile les étapes de sa transition. Laura Badler, youtubeuse trans, témoigne dans le documentaire de Zone Interdite Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres. Les documentaires sur la transidentités sont de plus en plus fréquents mais ils regorgent de clichés genrés. Le documentaire occulte la partie politique de la réalité trans. Par exemple, les militants trans et les associations ne sont pas évoqués. Les ressentis et les souffrances sont privilégiés à la réalité endurée et aux conditions de vie des personnes trans. La transidentité est malheureusement souvent définie par la souffrance. Dans sa vidéo “Ma participation à Zone Interdite”, Laura Badler révèle être contre le titre utilisé par l’émission. Selon elle, il n’y a pas de dilemme, le titre exclut également les non-binaires

Une autre youtubeuse trans commence à acquérir de la visibilité sur la plateforme. Dame Victoire est une youtubeuse trans qui a une cinquantaine de vidéos sur sa chaîne avec de nombreuses vues. Elle s’est exprimée sur son parcours trans dans de nombreuses vidéos. Une grande communauté la suit – 15 000 personnes sur Instagram -. Ses vidéos ouvrent les esprits sur la transidentité en témoignant de son expérience de transition commencée quand elle était encore Jordy. Elle a obtenu du tribunal de Dunkerque le droit de changer son état civil et devient Victoire.

b. Des profils différents

Le transgendérisme évolue et l’acceptation des identités trans dans la société occidentale est encore aujourd’hui problématique. Les influenceuses et youtubeuses américaines Nikita Dragun – 2 048 228 abonnés – et Gigi Gorgeous – 2 780 439 abonnés -, sont des véritables stars aux Etats-Unis mais également dans le monde entier. Très médiatisées, ces youtubeuses américaines représentent la communauté transgenre aux Etats-Unis. D’après les résultats du sondage effectué, certains représentent la personne transgenre comme étant maniérée et superficielle. Elles ont montré leur transition face caméra et affirment pleinement leur féminité aujourd’hui. Les abonnés et les internautes ont ainsi pu voir leur transition au fil des années. Elles ont eu recours à la vaginoplastie -chirurgie qui permet d’obtenir des parties génitales féminines des plus naturelles possible -, mammoplastie, rhinoplastie et bien d’autres opérations. Si les youtubeuses sont devenues très populaires, elles ne sont que deux à avoir connues une telle médiatisation. Quant aux youtubeurs transgenres, ils ne sont pas visibles sur YouTube. Chella Man, un youtubeur transgenre américain au 209 351 abonnés, est une des rares youtubeur à avoir une importante communauté qui suit son parcours de transition dans de nombreuses vidéos – sur la prise de la testostérone ou encore sur la mastectomie -.

Ces youtubeuses américaines sont très féminines et pulpeuses et n’hésitent pas à dévoiler leur corps aux yeux de leurs abonnés. Au risque d’être considérées comme des femmes superficielles, elles revendiquent leur côté diva. Nikita Dragun est fière d’être une youtubeuse trans. Parfois dénudée, la youtubeuse prend plaisir à dévoiler son corps. Cette féminisation relève du “passing” qui est la capacité d’une personne à être considérée, en un seul coup d’œil, comme une personne cisgenre. D’après leurs comptes respectifs, Gigi Gorgeous et Nikita Dragun accordent beaucoup d’importance à l’apparence et à la perfection de leur corps. Les représentations des personnes transgenres comme des personnes cisgenres varient selon les pays. Les critères de beauté de la femme aux Etat-Unis ne sont ainsi pas les mêmes que la femme française. La question de “passing” dépend ainsi de sa vision de la féminité.

Les youtubeuses trans françaises telles que Laura Badler ou Dame Victoire, ont des styles totalement différents. Ces youtubeuses aident à faire évoluer les préjugés sur la communauté trans. Laura Badler est une youtubeuse transgenre française de 26 ans qui fait des vidéos sur le fait d’être transgenre. Ses vidéos ont un aspect engagé et militant. Son but est d’informer les personnes afin de faire évoluer les mentalités. En effet, elle souhaite aider ceux qui traversent la même situation que la sienne. C’est un aspect humaniste qui se dégage à travers ses vidéos. Les contenus sont totalement différents des contenus des youtubeuses américaines. Comme la youtubeuse, le youtubeur militant Adrian de la Vega se différencie des figures américaines de par ses contenus pédagogiques et explicatifs sur la transidentité. S’il traite des sujets sérieux, ses vidéos sont toutefois empreint d’humour. Bilal Hassani, jeune chanteur et youtubeur est comparé à tort à une personne transgenre. Le questionnaire que nous avons effectué révèle cette confusion. Comme Adrian de la Vega et Laura Badler, Bilal Hassani se positionne contre les codes genrés mais il n’est pas transgenre. Il a acquis beaucoup de notoriété et de visibilité sur YouTube mais aussi dans les médias. Bilal Hassani est une personnalité médiatique qui exprime sa passion pour la musique dans ses vidéos tout en affirmant sa féminité, son style et sa forte personnalité. Il reçoit de nombreux messages de haine. Il représentera la France en finale de l’Eurovision 2019 le 18 mai avec sa chanson « Roi ».

2. Les youtubeurs transgenres vus par les spectateurs

a. Les youtubeurs transgenres, des vidéastes encore méconnus

Il est maintenant logique de se tourner vers la seconde facette de YouTube : les spectateurs. Si les youtubeurs sont le cœur même de la plateforme, les “viewers” n’en sont pas moins importants, bien au contraire. Ce sont eux qui garantissent ou non la popularité des youtubeurs, eux qui décernent ou non le fameux “pouce bleu”, synonyme que la vidéo leur a plu. Ainsi, il est normal de se tourner vers eux afin de savoir ce qu’ils pensent de la communauté transgenre sur YouTube.

      Dans un premier temps, nous avons donc réalisé un questionnaire que nous avons fait circuler sur nos réseaux sociaux. Celui-ci a amassé près de 181 réponses, principalement auprès d’une communauté étudiante, entre 18 et 25 ans, (74% des réponses) et de femmes (77,4%). Trois répondants se sont déclarés d’eux-mêmes “Genderfluid’, “Agenre” et “je n’accorde pas de valeur à celà”.

Ce questionnaire n’est donc pas très représentatif de la réalité, il est à utiliser avec précaution, mais ses résultats peuvent tout de même nous éclairer à propos de ce que pensent certains spectateurs de YouTube. Parmi les personnes ayant répondues, près de 72,2% regardent des vidéos YouTube au moins une fois par jour. De ce fait, nous pouvons établir que la plupart sont assez familiers de la plateforme. Les types de vidéos que regardent nos répondants sont assez variées, mais on peut observer une plus grande popularité des genres “Podcasts”, “Musique” ou “Mode” (mais les thèmes sont de toute sorte).

      140 personnes ont répondu à la question “Pouvez-vous citer quelques Youtubeurs que vous suivez ?”. Cette question était intéressante car, en plus de cibler ce que les répondants regardent le plus, elle permettait de voir si les personnes allaient d’elles-mêmes répondre avec le nom d’un éventuel youtubeur transgenre. Et effectivement, certaines personnes ont donné des noms de Youtubeurs transgenres naturellement, tels que Jeffreestar (un youtubeur américain avec plus de 12 millions d’abonnés), Bilal Hassani (avec près de 800 000 abonnés) ou encore Laura Badler. Ces réponses-ci restent malgré tout très minoritaires parmi les répondants.

      Ensuite, à la question “Êtes-vous sensibles à la communauté transgenre ?”, les internautes ont répondu “Non” à 50,6%. La moitié de notre échantillon de notre questionnaire ne se sent donc pas très concernée par la cause transgenre.

      Pour la question “Avez-vous déjà regardé des vidéos YouTube de personnes transgenres ?”, les réponses sont “Non” à 49,7%, 45,2% de “Oui” ainsi que quelques réponses “je ne sais pas”. De ce fait, nous remarquons que même si les internautes ne sont pas particulièrement sensibles à la communauté transgenre, ils ont dans l’ensemble déjà vu des vidéos de cette communauté (peut être en ce moment grâce à la notoriété de Bilal Hassani, qui a été cité plusieurs fois au cours du questionnaire, par ailleurs confondu à chaque fois avec une personne transgenre, et que la plupart des internautes associent donc à cette communauté).

      89,9% de nos répondants ne sont pas abonnés à ce type de youtubeurs et seulement 17 personnes ont pu donner des noms de chaînes qu’elles suivaient (étonnamment, beaucoup de chaînes françaises ont été citées, et pas seulement des grosses chaînes américaines).

b. Des positionnements différents par rapport aux vidéos

      L’une de nos questions aux résultats les plus intéressants a été “Que pensez-vous des Youtubeurs transgenres ? (bonne/ mauvaise influence, images qu’ils renvoient…)” à laquelle 125 personnes ont répondu au total. Grâce aux résultats, il a été possible d’établir cinq grandes catégories de spectateurs :

·        ceux qui affirment que les youtubeurs transgenres “font ce qu’ils veulent tant que cela n’atteint pas les valeurs des autres” (“ce sont des êtres humains comme les autres”, “je me fiche que les personnes soient transgenres ou pas…”)(environ 30 réponses).

·        ceux qui pensent que ces youtubeurs ont une mauvaise influence (“une image d’un monde totalement pervertis qu’est le monde actuel”, “ma religion interdit ce genre de personne” ou tout simplement “mauvaise”) (7 réponses).

·        ceux qui n’ont pas d’avis sur la question (environ 75 réponses).

·        ceux qui estiment que les youtubeurs transgenres ont une bonne influence, renvoient une bonne image (“ça aide à mieux les comprendre”, “ils sensibilisent les autres”, “ça aide à s’assumer” etc.) (environ 60 réponses).

·        et enfin ceux qui ne sont ni pour, ni contre, mais qui jugent que cela dépend de ce que renvoie le youtubeurs (certains youtubeurs transgenres renverraient une image stéréotypée, ou accentueraient trop un trait de leur caractère, ce qui peut déplaire car cela ne renvoie pas une image réelle de ce que sont les personnes transgenres) (“j’ai l’impression que c’est beaucoup dans l’artifice”) (environ 8 réponses).

D’une manière générale, les avis sont très divers, mais quelques discours ressortent assez souvent. Beaucoup de répondants s’intéressent plus au contenu proposé qu’au youtubeur lui-même. Tant que le contenu leur plaît, peu leur importe le genre du youtubeur : “Ils sont au même niveau pour moi que les autres youtubeurs”. D’autres répondants trouvent positifs le fait que ces youtubeurs parviennent à s’affirmer, aider ou donner des conseils. Certains estiment leurs vidéos intéressantes car elles permettent de mieux comprendre les personnes transgenres : “C’est une bonne image chacun a le droit d’être ce qu’il veut”, “ils permettent d’avoir de vrais témoignages”.

      Nous remarquons ensuite que les spectateurs qui ont une mauvaise image des youtubeurs transgenres n’ont, pour la plupart, que peu développé leurs réponses, ainsi nous ne savons pas vraiment quels sont leurs raisonnements. Il semble en tout cas que cette question a suscité l’intérêt des répondants, car elle n’était qu’optionnelle et pourtant beaucoup y ont répondu.

3. Une vision des youtubeurs très proche de celle des spectateurs

  1. Rencontre avec deux YouTubeurs : leurs impressions

Dans le cadre de notre étude, nous avons eu l’opportunité d’interviewer deux youtubeurs transgenres : Naomi de la chaîne Nao Me et Charly de la chaîne Frenchy Charly.

Naomie est suissesse, elle a 24 ans et est actuellement en recherche d’emploi. Sa chaîne Youtube intitulée Nao Me a été créé le 28 septembre 2017 et compte 848 abonnés. Sa première vidéo date du 11 novembre 2017. Elle a déjà eu recours à des interviews d’autres étudiants concernant le transgendérisme.

Bannière de la chaîne de Nao Me

Charly a 22 ans et vit à Tours. Il est animateur et travaille au centre de loisir avec des enfants de 5 ans à 11 ans. Créé en 2015, sa chaîne la plus récente est Frenchy Charly et compte 2121 abonnés. Ses vidéos comptabilisent 56 400 vues. Dans sa description (Dans sa description : “Je fais des vidéos histoire de faire rire tout en brisant certains tabous qui en gênent beaucoup !”), il se présente comme “ défenseur des droits des LGBTQ+ ainsi que les droits des femmes”. Charly a eu plusieurs chaînes.  TheCharlicharlo – créé en 2010 – et YoungTimeFr – créé en 2013 – étaient consacrées à la musique, il faisait des compositions et chantait. Il n’a pas continué ses vidéos, il s’est réfugié sur Twitter : “J’ai pas eu l’occasion ni les moyens pour continuer, j’ai eu beaucoup plus de notoriété sur Twitter. J’ai laissé YouTube pour Twitter”.

       Bannière de la chaîne de Frenchy Charly

Au cours de nos deux interviews, nous avons pu constater des discours relativement semblables sur quelques points, même si nos deux youtubeurs ne se connaissaient pas. Ainsi, nous avons constaté que pour deux-deux, YouTube était un espace d’expression de soi, qui pouvait aider à prendre confiance en soi. Il faut en effet du courage pour se montrer devant la caméra (par exemple, la vidéo la plus difficile à réaliser pour Frenchy Charly a été celle de son coming-out, car c’était celle qui le révélait le plus aux yeux des autres). Ce dernier considère également YouTube comme le premier lieu vers lequel se tourner lorsque l’on est une jeune personne transgenre, mais il en est de même pour Nao Me qui explique que “c’est le fait de regarder d’autres chaînes qui m’aide”. La plateforme de vidéo serait ainsi le pas en avant afin d’en découvrir plus, de regarder des témoignages de personnes semblables, des tutoriels ou autres, pour ensuite expérimenter en réel. Les youtubeurs transgenres aideraient beaucoup de par les messages qu’ils font passer (par exemple, c’est en regardant les vidéos de Laura Badler que Nao Me a été décidée pour passer le cap de la transition).

Claire Balleys dans son article Comment les adolescents construisent leur identité avec Youtube et les médias sociaux (2018) explique que “ce qui rassemble les vidéastes et leur public autour de ces contenus, c’est le sentiment de partager un vécu et une expérience communs.” De ce fait, les Youtubeurs transgenres attirent les jeunes car ils créent un sentiment de groupe : une appartenance commune à un mouvement, un sentiment… Les viewers transgenres se retrouvent dans les vidéos, se sentent rassurés et épaulés par les conseils et les témoignages, ils font partie du groupe. Que ce soit du côté des Youtubeurs ou bien du côté des viewers, chacun y trouve son compte et appartient pleinement à ce “groupe”. Les vidéos YouTube seraient “partagées dans un objectif éminemment participatif et interactif” (Claire Balleys, 2018).  Nao Me expliquait par exemple lors de son entretien, recevoir quelques messages personnels de viewers qui partageaient leurs histoires ou qui demandaient conseils par rapport à la transition en Suisse, ce qui montre bien que les spectateurs recherche l’interaction avec les youtubers, au même titre que Frenchy Charly a rencontré son youtubeur préféré à l’occasion de sa venue sur Paris.

Nao Me “espère que ses vidéos aident les autres, c’est l’intérêt de sa chaîne” et Frenchy Charlie aspire quant à lui à ce que les spectateurs se reconnaissent dans ses vidéos. Il semble que les chaînes de nos deux youtubeurs soient en partie faites pour conseiller et aider les autres, pour montrer une image positive, comme une sorte de parrainage. Ils installent un sentiment de similarité et d’accessibilité (ils sont “normaux” et il est possible de les contacter facilement, preuve en est de nos interviews).

b. Une représentation de la réalité faussée

Paradoxalement, tous deux estiment que les youtubeurs transgenres ne sont pas très représentatifs de la réalité. Par exemple, Frenchy Charly explique qu’il n’y a pas de youtubeur transgenre à la peau noire. Nao Me, elle, dit que la plupart des filles transgenres de YouTube (en tout cas, les plus connues) sont souvent très efféminées, très maquillées (presque dans l’excès) ce qui n’est pas vraiment “réel”. En effet, les personnes “réelles” sont toutes différentes et n’ont pas forcément un très bon “passing” comme nous l’expliquait Nao Me. Ces remarques sont étonnantes car nos deux interviewés nous ont dit qu’il y avait de plus en plus de youtubeurs transgenres selon eux.

Les vidéos transgenres seraient donc de plus en plus nombreuses, ce qui est un élément positif car elles permettent plus de visibilité et de compréhension pour les spectateurs (un point sur lequel nos youtubeurs interviewés et nos spectateurs ayant répondus au questionnaire sont d’accords), mais d’un autre côté elles ne représentent pas la réalité et renvoie une image “faussée” de ce que sont les personnes transgenres (comme nous l’avons vu avec notre questionnaire lorsque les répondants expliquaient que les youtubeurs transgenres avaient quelques fois des traits de caractère accentués au maximum). De plus Nao Me juge que plus il y a de vidéos, plus la communauté transgenre est mise en avant et donc plus elle souffre de discrimination et de rejet. La publication des vidéos YouTube des personnes transgenres est donc très paradoxale, mais elle est en pleine expansion. Pour Frenchy Charly, c’est un pas en avant dans l’acceptation qui a été fait depuis le début des années 2000, mais la communauté transgenre serait encore loin d’être acceptée, ce qui rejoint le point de vue de Nao Me. Pour eux, il y a même des effets de fétichisation autour des personnes transgenres (Nao Me expliquait que le Brésil était l’un des pays les plus consommateurs de pornographie transgenre, alors même que le nombre de meurtres de personnes transgenres y était le plus grand).

Nous avons également remarqué que les réponses aux questionnaires et les témoignages des youtubeurs transgenres coïncidaient sur certains aspects.

CONCLUSION

La plateforme de vidéos YouTube paraît tout à fait adaptée aux contenus que proposent la communauté transgenre. En effet, les vidéos conseils, tutoriels ou témoignages représentent beaucoup pour les personnes transgenres qui les regardent (Nao Me et Frenchy Charly nous ont confié considérer YouTube comme un vecteur d’aide à leur a communauté.). De plus, YouTube installe un effet communautaire qui relie les personnes et les aide à avancer.

Les médias exploitent à tort la question de la transidentité et du transgendérisme, ce qui peut créer une confusion dans l’esprit des gens. L’élaboration de notre questionnaire a permis de pointer du doigt ce problème : l’un de nos répondant nous a par exemple écrit “je suis homophobe”, signe qu’il ne connaissait sans doute pas vraiment la communauté transgenre.

Nous avons essayé d’être les plus scientifiques possibles dans notre démarche, mais les résultats que nous avons trouvé ne sont que partiellement représentatifs de la réalité… Ils permettent cependant de donner une bonne idée de comment sont représentés les personnes transgenres auprès du grand public, notamment sur YouTube. Notre démarche nous également permis de découvrir ce que pensaient les youtubeurs directement concernés.

Nous devions également avoir un entretien avec la youtubeuse Dame Victoire, l’une des plus suivies en France, seulement (après quelques échanges) elle n’a pas donné suite à nos messages. Il aurait été intéressant d’avoir le point de vue d’une youtubeuse de plus grande ampleur, afin de connaître ses motivations par exemple.

Enfin, même si les youtubeurs transgenres sont de plus en plus nombreux et reconnus sur YouTube, nous pourrions nous demander si un autre réseau social n’aiderait pas plus la communauté transgenre à s’affirmer? Preuve en est de Frenchy Charly qui a cessé les vidéos YouTube pour se tourner vers Twitter, une plateforme auprès de laquelle il compte environ 9000 abonnés.

WEBOGRAPHIE

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Sekkai, Sahini, “L’incroyable destin destin de Christine Jorgensen, 2015, [en ligne], https://www.parismatch.com/Actu/International/L-incroyable-destin-de-Christine-Jorgensen-755720

Blog sur le transgénérisme, “Le transgénérisme à travers l’histoire”, [en ligne], https://identitesdegenre.wordpress.com/2017/06/16/le-transgenerisme-a-travers-lhistoire/

Blog Information transgenre, Rubrique : “Histoire”, [en ligne], http://www.infotransgenre.be/m/identite/histoire/  

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Dame Victoire, “Je suis transgenre”, 2017, [en ligne]  https://www.youtube.com/watch?v=gIZiSw71Y18&t=15s

Frenchy Charly, https://www.youtube.com/channel/UC3_IY48q-wPA0CsJI0VEv-g/videos  

Gigi Gorgeous, “I am Transgender”, 2013, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=srOsrIC9Gj8

Laura Badler : “Ma participation à Zone Interdite”, 2017, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=0FszJvooMmA

Lyanna, “FAQ : changement de sexe”, 2017, https://www.youtube.com/watch?v=eDrNTFkwSnU

Nao Me https://www.youtube.com/channel/UC4Xq09uHWWrPHnQ8Bg_BW8Q/videos

Nikita Dragun, “I am Transgender”, 2015, [ligne] https://www.youtube.com/watch?v=rAGa30fm8y4

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1 Arnaud Alessandrin, “Sociologie des transidentités”, Paris, Editions Le Cavalier Bleu, 2018

2 https://www.revue-etudes.com/article/foucault-et-la-question-du-genre-16265

3 https://identitesdegenre.wordpress.com/2017/06/16/le-transgenerisme-a-travers-lhistoire/ Les colons employaient le terme “Berdache” pour définir les Deux Esprits, un mot français désuet qui signifie un homme qui se prostitue pour des hommes.

4 Espineira Karine, “Transidentités : ordre & panique de Genre : Le réel et ses interprétations”, p.15

5 Odile Jacob, “Psychologie(s) des transsexuels et des transgenres” de SIRONI Françoise, 2011, p.17 p.19

6 Cardon, Patrick. « Post-queer : pour une « approche trans-genre ». Ou Le trans-genre comme catégorie d’analyse », Diogène, vol. 225, no. 1, 2009, pp. 172-188. https://www.cairn.info/revue-diogene-2009-1-page-172.htm

7  Espineira, Karine. « La sexualité des sujets transgenres et transsexuels saisie par les médias », Hermès, La Revue, vol. 69, no. 2, 2014, pp. 105-109.
https://www-cairn-info-s.fennec.u-pem.fr/revue-hermes-la-revue-2014-2-page-105.htm

8 Chaumet Pierre-Olivier, “Le transgenre : une histoire de tous les temps ?”, Bordeaux, LEH Édition, 2015, Essentiel

9 Halpern Catherine, “Identité(s). L’individu, le groupe, la société, Sciences Humaines”, p.352.

10 https://fr.wikipedia.org/wiki/Lili_Elbe

11 https://tpeidentitegenre.wordpress.com/les-transgenres-et-leur-histoire/

12  Espineira Karine, “Transidentités : ordre & panique de Genre : Le réel et ses interprétations”, p.15

13 Alessandrin Arnaud,Sociologie des transidentités”, Paris, Editions Le Cavalier Bleu : https://journals.openedition.org/lectures/27343

14 Espineira, Karine. « Les constructions médiatiques des personnes trans – Un exemple d’inscription dans le programme « penser le genre » en SIC », Les Enjeux de l’information et de la communication, vol. 15/1, no. 1, 2014, pp. 35-47. https://www-cairn-info-s.fennec.u-pem.fr/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-2014-1-page-35.htm#pa6

15 Maire Jérémie, “Une histoire de transgenres dans la pop culture”, Vanity fair https://www.vanityfair.fr/timeline-transgenres-popculture#a1950 https://www.huffingtonpost.fr/2017/05/17/coccinelle-vedette-de-cabaret-trans-des-annees-50-et-60-a-droi_a_22092930/

16 Vermelin Jérôme,  “Icône transgenre, Caitlyn Jenner a retrouvé l’amour auprès de Sophia Hutchins, une étudiante de 22 ans. Sur les réseaux sociaux, cette dernière laisse entendre que le mariage est en bonne voie”, LCI, 2018.

https://www.lci.fr/people/caitlyn-jenner-68-ans-prete-a-se-remarier-avec-sa-petite-amie-transgenre-de-22-ans-sophia-hutchins-kim-kardashian-2093221.html

17 Espineira, Karine. « La sexualité des sujets transgenres et transsexuels saisie par les médias », Hermès, La Revue, vol. 69, no. 2, 2014, pp. 105-109.  https://www-cairn-info-s.fennec.u-pem.fr/revue-hermes-la-revue-2014-2-page-105.htm

18 Massillon Julien, “Journée du souvenir trans’: une veillée pour les victimes de la transphobie”, Yagg, 2012.

http://yagg.com/2012/11/19/journee-du-souvenir-trans-une-veillee-pour-les-victimes-de-la-transphobie/

19 Fournier Martine, Masculin/ Féminin : états des lieux, Sciences Humaines, 2014.

20 http://stp2012.info/old/fr

21 Espineira Karine, “Études trans par des trans pour des trans (mais pas que…)”, Observatoire des transidentités, 2017.

https://www.observatoire-des-transidentites.com/tag/transgender-studies/

22 https://www.observatoire-des-transidentites.com/article-la-transyclopedie-tout-savoir-sur-les-transidentites-112990218/

23 Patinet Antoine, “YouTube s’excuse de discriminer la communauté LGBT mais les youtubeurs attendent « des actes »”, Têtu, 2018. https://tetu.com/2018/07/05/youtube-excuses-youtubeurs-lgbt/#SodKdpxWlzQ3jh8E.99

24 Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail

25 Naselli Adrien, “Isolés à l’école, les jeunes trans trouvent information et soutien sur Internet”, Le Monde, 2018.

https://www.lemonde.fr/festival/article/2018/10/03/isoles-a-l-ecole-les-jeunes-trans-trouvent-information-et-soutien-sur-internet_5363787_4415198.html

26 Thévenin Patrick, “Une leçon d’humanisme avec Adrian de la Vega, youtubeur trans”, i-D, 2018.

https://i-d.vice.com/fr/article/xw4kg3/une-lecon-dhumanisme-avec-adrian-de-la-vega-youtubeur-trans

27 Balleys, Claire. « Comment les adolescents construisent leur identité avec Youtube et les médias sociaux », Nectart, vol. 6, no. 1, 2018, pp. 124-133.

https://www-cairn-info-s.fennec.u-pem.fr/revue-nectart-2018-1-page-124.htm.

ANNEXES

Annexe 1 : Interview de Nao Me

Que fais-tu dans la vie ?

Actuellement je suis en recherche d’emploi, en fait il y a tous mes documents qui sont en train d’être changé, du coup j’attend que ça soit tout changé, comme ça c’est plus simple pour moi pour tout ce qui est recherche d’emploi etc. et de ne pas avoir à me justifier auprès de mon changement etc.

Quel âge as-tu ?

J’ai 24 ans.

Quand as-tu commencé les vidéos youtube ?

Euh j’ai commencé il y a un an à peu près, j’ai commencé en novembre de l’année 2017, si je dis pas de bêtises, ouais j’ai commencé en novembre de l’année 2017,

As-tu peur de la réaction de ton entourage quand tu leur a dit que t’étais transgenre?

Pas vraiment en fait, vu que j’avais deux coming out, j’avais un premier coming out en tant que gay parce que je pensais être gay, du coup on va dire que refaire un autre coming out un peu plus tard c’était pas si compliqué que ça et puis j’a une famille assez ouverte du coup j’ai pas eu trop de soucis par rapport à ca

Quelle a été la toute première réaction des internautes à la première vidéo ?

Bah moi, ma communauté elle est plutôt transgenre du coup bah j’ai plutot que des retour positifs j’ai eu vraiment de problèmes on va dire,n ou de retours négatifs et même dans l’ensemble  de ma chaîne j’ai jamais vraiment eu trop de soucis, j’espère que je réponds bien à votre question (haha), du coup j’ai pas vraiment eu de soucis on va dire dans les commentaires dans ma chaîne youtube parce que deja j’ai un nombre d’abonnés limité et hum a coté je suis pas vraiment à fond, par exemple tout ce qui est twitter instagram tout ça je souhaite pas m’exposer plus que ça moi je fais des vidéos pour parce que je pense que c’est important de présenter une certaine visibilité des personnes transgenres. Après moi je cherche pas forcément à être implantée dans le “Youtube game” à être une youtubeuse on va dire, comme on connaît de nos jours, moi c’est vraiment juste ponctuel et du coup comme j’ai une petite communauté bah j’ai pas vraiment de détracteurs ou autres et ma communauté est plus transgenres du coup, j’ai que des retours assez positifs.

Quel type de message reçois-tu des internautes (messages perso, mail, un exemple )?

Alors des mails j’en reçois surtout des personnes comme vous, des étudiantes qui font des travaux, parce que vous êtes pas les premières, j’ai eu quelques personnes déjà du coup en mail j’ai beaucoup de demande pour des études. Après j’ai parfois des personnes qui me contacte quand elles sont en suisse pour savoir comment ca se passe un peu par rapport au prise en charge des opérations, des trucs comme ça. Et sinon j’ai des gens qui viennent juste partager leur vécu etc.

Te sens-tu acceptée par la communauté de Youtube? (autres youtubers mais aussi viewers)

Non Alors, j’ai parlé avec Laura Badler au tout début. On a échangé par Instagram, je pense que ça s”est bien passé, on se parle pas plus que ça.  Elle m’a jamais mentionné dans sa chaîne ni autre. Il n’y a pas eu de soucis particulier. Hum… sinon, il y en a eu quelques autres, il y a eu Lynn, elle est nouvelle dans Youtube. Après, il y en a une autre, mais je crois qu’elle a supprimé ses vidéos. Je saurais pas vous dire comment elle s’appelle et une autre aussi qui est en suisse … qui s’appelle Camille Léandre, je peux toujours vous envoyer son instagram et sa chaîne Youtube si besoin.  Je l’ai jamais rencontré mais on a pu échangé sur Instagram. Du coup, j’ai l’impression d’être un peu acceptée, en tout cas j’ai pas de retours négatifs, j’ai pas eu de polémiques autour de mes vidéos ou autre, parce que ça, j’ai pu le voir dans des chaînes de gens qui se taillent un peu, mais non j’ai pas eu de soucis.

Youtube t’as-t-il aidé dans ton parcours personnel ?

Très franchement pas du coup, ça m’a aidé plus que ça, j’aurais fait Youtube, j’aurais pas fait Youtube ça aurait été pareil. J’espère que mes vidéos aident les autres, c’est l’intérêt de ma chaîne. M’exposer, c’est pour ça puisse aider les autres mais ça m’a pas particulièrement aidé plus que ça. En tout cas, à mon niveau avec mes 848 abonnés en soit ça m’a pas apporté plus que ça.

Regardes-tu des youtubeurs ? Si oui, lesquels?

Oui, après j’aime bien tout ce qui est makeup et tout donc je suis dans cette partie-là de Youtube mais sinon je regarde pas mal Youtube en général.

Les youtubers transgenres t‘ont-ils influencé d’une quelconque manière? Si oui, en quoi?

Alors ouais, surtout les premières les plus connues on va dire, Laura, Victoire et Lyanna. C’est des youtubeuses. Lyanna elle est venue après. Elle a fait sa transition un peu après mais on va dire que les deux Victoire et Laura ont été les personnalités qui m’ont inspiré mais qui m’ont aussi … Laura particulièrement parce que c’est elle que j’ai vu en premier entre d’autres des chaînes française. Laura, c’est celle qui m’a motivé à faire ma transition et aussi par rapport à Youtube.

Quel Youtubeur/euse t’inspire le plus ?

Les françaises, ça serait plus Laura, Victoire et Lyanna c’est celles qui ont les plus grosses chaînes

Que penses-tu des Youtubeurs transgenres américains ? (Nikita Dragun..?)

Je pense qu’ils ont un autre niveau, parce qu’il y a beaucoup plus d’américains, qui sont aussi moins connues. Moi du coup, je connais les plus connues. C’est un peu un autre niveau par rapport à nous, parce que même les transgenres francophones ne sont aussi connues que, par exemple Nikita Dragun. Elle est super super connue donc elle a toute une autre, dans un autre niveau, après il y a une canadienne Princesse Djouls du coup elle a pas mal, je crois qu’elle a 400 ou 500 mille abonnés, c’est une assez grande plateforme. Il y a aussi Steffania Sentaj qui a pas mal d’abonnés. Je pense que c’est d’autres niveaux. Mais c’est pas mal, ça permet une grande visibilité des transgenres. Après c’est toujours un même type des personnes trans super féminines, super belles etc., avec une belle voix, on va dire que c’est une catégorie de la population trans.

Que penses-tu de l’image que donnent les youtubeurs trans à la communauté trans ? La trouve-tu fidèle à la réalité?

Alors fidèle à la réalité non, parce que comme j’ai dit, c’est une certaine partie de la population. On retrouve souvent des filles très très très féminines, je sais pas comment dire ça, mais on va dire qu’il y a le passing qui entre en compte. Il y a des filles qui ont un très bon passing, qui passent pour des femmes de tous les jours, il y a pas de soucis, on retrouve beaucoup ces personnes-là qui sont plus mises en avant parce qu’elles ont plus d’abonnés et les gens s’abonnent plus à elles parce qu’elles représentent on va dire une image qui plaît à tous. Je dirais pas qu’elle est fidèle à la réalité mais en tout cas, elle permet une certaine visibilité de la communauté transgenre. Mais elle, est pas fidèle à ce que c’est, les personnes transgenres c’est un tout, il y a de tout. Des personnes qui sont pas super féminines, d’autres qui sont pas forcément féminines par choix.

Peux-tu nous raconter ton histoire ?

En gros, à l’école, tout c’est bien passé, j’ai jamais eu de dépression un autre parce que je me sentais… En fait, je me suis toujours senti différente mais je savais pas vraiment en quoi j’étais différente, j’ai toujours aimé jouer avec les filles ou jouer aux poupées etc. mais je m’étais jamais dit, en tout cas j’ai jamais cru possible le fait de devenir une fille etant donné que j’étais née dans un corps de garçon et du coup. J’ai un peu vécue ma vie comme ça, jusqu’à l’adolescence à peu près où il y a les premiers changements qui se font à l’adolescence.

Là, j’ai commencé à me poser des questions sur le fait que j’aimais pas trop les changements que je voyais en moi par rapport à d’autres personnes. Mais de nouveau, je me posais pas trop de questions : est- ce que je suis transgenre ou pas ?  Je pensais que comme tous les adolescents, les corps changent et qu’on est tous comme on est. Après, je me suis identifiée comme homosexuel, parce que j’aimais les garçons, je me suis dit j’aime les garçons donc ça veut dire que je suis gay et j’ai fait mon coming out à 16 ans à ma famille et après j’ai un peu eu des relations avec garçons et je me suis rendue compte que j’étais pas vraiment attiré par les garçons homosexuels. Et on va dire à partir de là, je me suis demandée ce qu’il se passait, parce qu’étant donné que je pensais être gay, j’étais censée être attirée par les gay et là, c’était pas le cas.

Et à 22 ans, grâce à Youtube, le fait de regarder pas mal de filles transgenres et de voir leurs parcours et ce qu’elles vivaient, je me suis rendue compte que je me sentais un peu pareille et que j’avais un peu près les mêmes vécus. Et c’est là ou j’ai décidé de faire ma transition, d’aller voir un psychiatre et d’en être là aujourd’hui.

Est-ce que l’expérience avec la psychiatrie a été difficile ?

Alors en suisse c’est pas difficile que ça, parce qu’en Suisse, le système est un poil plus différent, on a le droit d’aller voir n’importe quel psychiatre. On est pas obligé d’aller voir des psychiatres spécialisés dans la transidentité. Après le psychiatre délivre une attestation qui dit qu’on souffre d’une dysphorie de genre et une fois qu’on a ça, on a le droit de voir n’importe endocrinologue et de suivre un parcours de transition normal. Moi j’ai jamais été suivie par une équipe officielle, j’ai fait toutes mes recherches toute seule etc, je suis allée voir mes propres chirurgiens, médecins etc. J’ai pas eu de difficultés par rapport à ça.

Peux-tu nous raconter ton histoire ?

Alors la première du coup, c’est celle ou on se lance, ça a été la difficile, dans le fait de se lancer devant la caméra face à tout le monde… Sur youtube tout le monde peut voir tes vidéos.

As-tu l’impression qu’il y a de plus en plus de youtuber transgenre? Que cela se “popularise” de plus en plus?

Ouais, je pense qu’il y en a de plus en plus, c’est une bonne chose après ils sont pas tous forcément connus, je connais pas toutes les youtubeuses ou youtubeurs trans, mais je sais qu’il y en a de plus en plus par ce qu’il y en a beaucoup qui font des vidéos, de plus en plus surtout grâce aux premières qui sont Laura et les autres, qui ont fait des vidéos qui inspirent les autres.

Je pense aussi qu’il y en qui sont là pour percer dans Youtube, après chacun fait ce qu’il veut. Du coup, c’est bien, ça permet d’avoir plus de visibilité et on va dire que ça soit un peu plus “normal”

As-tu déjà été à des rencontres abonnés ?

Non,  j’ai jamais rencontré des abonnés. En fait, j’ai rencontré des gens, une personne qui était abonnée, et c’était pour son travail comme vous, donc on s’est rencontré, c’était une rencontre youtubeuse/abonné. Après, est-ce que ça m’intéressait ? Tout dépend de comment ça se fait etc. Mais ça pourrait être intéressant, peut-être plus tard si ma chaîne grandit, si vraiment je m’investis encore plus sur ma chaîne parce que là c’est pas le cas. C’est pas vraiment mon but de devenir youtubeuse et de me développer là-dedans.

Cela t’as-t-il permis de rencontrer d’autres personnes trans ? si oui, es-tu encore en contact avec elles ?

Alors j’ai rencontré une seule personne du coup, après j’ai rencontré des personnes transgenres mais c’était pas en lien avec ma chaine Youtube. C’était des connaissances, j’ai pas vraiment eu de rencontres. Sur Instagram, oui mais pas personnellement.

Es-tu engagée dans une association lgbt?

Oui alors je suis engagée dans une association trans toute jeune, je croyais en ses valeurs. Elle s’appelle Epicene. Créé en fin d’année 2018, elle a des projets sympas. Le lien c’est Epicene.ch, je vous envoie le lien.

As-tu entendu parler de la polémique sur Youtube qui a eu lieu le 30 juin 2018, qui concerne la démonétisation des vidéos de certains Youtubeurs de la communauté LGBT ? Quelle a été votre réaction ?

Non, j’ai pas fait attention à ça, j’ai vu la polémique autour de Victoria Secret. Mais non, j’ai pas vu celle là.

Quelle était la polémique autour de Victoria Secret ?

Un haut responsable de Victoria Secret a fait une déclaration qui répondait à une question d’un journaliste : Est-ce qu’un jour il y aurait des femmes rondes et des femmes transgenres dans le show. il a répondu que non, jamais il y aurait de femmes rondes ou transgenres parce qu’elles ont pas assez de fantaisies et que les femmes rondes ne représentent pas la marque. il y a eu une toute une polémique et Nikita Dragun a posté une photo. Il y a eu pas mal de retombées économiques et sociales sur la marque.

Penses-tu que la communauté trans a atteint son objectif d’acceptation ou penses-tu qu’il y a encore un long chemin à parcourir?

Alors là non ! Absolument pas, pas du tout, du tout, du tout. C’est un peu bizarre parce que si tu es une jolie femme transgenre qui a un joli passing, par exemple moi, j’ai jamais eu de soucis dans ma vie, j’ai jamais eu de transphobie ou autre, parce qu’on remarque pas que je suis transgenre donc dans la rue, j’ai aucun soucis. Par contre, si on a pas un super bon passing et si on est pas assez féminine ou autre, c’est pas vraiment accepté. On va dire que même dans les relations amoureuses, par exemple je sais que j’ai pas vraiment eu de soucis, je parle pour moi, je suis célibataire, mais je sais que si j’ai envie de rencontrer quelqu’un, je sais que j’aurai pas vraiment de mal à trouver quelqu’un.

J’ai pu parler à d’autres personnes transgenres et c’est peut-être plus compliqué parce qu’elles représentent pas l’image qu’ont certains hommes de la femme. Elles véhiculent pas cette image là, elles ont pas le passing qu’il faut, du coup c’est pas si évident.

Et on voit un peu partout qu’il y a des actes transphobes. Par exemple au Brésil, c’est le pays le plus transphobe au monde, il y a beaucoup de meurtres de personnes transgenres, alors que parallèlement c’est l’un des pays où – désolé de dire ça comme ça mais – la consommation de porno transgenre est le plus grand.  On voit bien qu’il y a un problème. Je ne pense pas du tout qu’on est accepté, en fait, je crois même que c’est pire. Plus il y a de la visibilité et plus il y a cet effet de rejet de la part des autres et ça c’est pas pour la communauté transg, c’est pour toute la communauté LGBT, vu qu’on a une grande visibilité en contrepartie j’ai l’impression qu’on a encore plus d’attaques et d’actes homophobes transphobes.

T’as jamais été confronté à de telles actes ?

Alors honnêtement non. Sur mes vidéos, j’ai dû avoir deux trois commentaires un peu méchants. Après, je supprime, vu que j’ai pas beaucoup d’abonnés, je supprime les commentaires. Ca m’intéresse pas de garder ça sur ma chaine, c’est pas le but. Mais j’ai pas vraiment eu de soucis. J’ai pas eu d’actes transphobes.

Peux-tu nous expliquer ce qu’est le “passing” ?

Alors, si dans mon cas on est un garçon qui est devenu une fille, avoir un beau passing, ça veut dire qu’on est assez féminine et que dans la rue on va pas forcément reconnaître qu’on était un garçon dans le cas des femmes qui font une transitions pour devenir des hommes c’est aussi la même, le fait qu’elles soient plus masculines ou paraissent plus masculines possible. après dans la communauté transgenre c’est un mot toujours très plaisant à utiliser parce que le passing dépend vraiment des personnes cisgenres, qui trouvent que nous on est assez féminine ou qu’on ressemble à des personnes cisgenres. Certaines personnes n’aiment pas utilisé ce mot-là mais ça fait partie de la transition. On veut tout avoir un beau passing, pour être accepté en société.

Considères-tu Youtube un lieu d’espace d’expression de soi et de construction identitaire ? Pourquoi ?

C’est assez difficile à dire, je pense que grâce à Youtube on peut prendre un peu plus confiance en soi surtout si on a des bons retours, après je suis pas sûre que … en tout cas moi, je me suis pas construite grâce à Youtube. Youtube m’a pas aidé à avoir plus confiance en moi, ça c’est fait plus personnellement, avec moi-mêmes, mon travail et tout ça mais je sais pas. J’ai l’impression que ça aide plus ceux qui regardent. Si moi, je regarde d’autres chaînes, c’est le fait de regarder d’autres chaînes qui m’aide que plutôt moi m’exposer sur Youtube. Je me suis pas sentie plus mieux ou moins mieux en faisant des vidéos. C’est le fait d’être inspirée par les autres.  

Quels conseils donnerais-tu à une personne transgenre ?

Le conseil ça serait de ne pas se précipiter. Parfois, qu’en on fait une transition, on a tendance à faire trop vite, à vouloir enchaîner toutes les choses, que ça soit les hormones, les chirurgies etc, etc, et parfois en se précipitant, on va peut-être un peu trop vite et on commet des erreurs qu’on voudrait pas forcément commettre. Et je pense que c’est super important de prendre son temps et aussi je sais que dans la communauté, c’est pas super bien vu. Je sais que par exemple, j’ai vu une psychologue, je vois une psychologue, au début pour ma transition et là, je continue parce que ça me plait et ça me fait du bien de travailler sur moi-même. Etre avec quelqu’un et pouvoir en discuter et pouvoir contrebalancer, parce que par exemple quand on est sous hormones, ça joue sur le moral. Les hormones ont un effet sur le moral, on a des coups de mou.

Je pense que c’est super important d’avoir un bon suivi psychologique mais pas parce qu’on est fou ou autre mais parce que c’est important d’avoir quelqu’un à qui parler et qui puissent nous comprendre et de pas aller trop vite. et pas en faire et parfois on en fait trop justement pour avoir un beau passing on se maquille beaucoup on s’habille parfois un peu trop sexy un trop exagérée de manière vulgaire et ça fait l’inverse de ce qu’on recherche ça fait attirer l’attention, j’ai l’impression que c’est plus des personnes qui sont plus âgées qui ont par exemple 30 40 ans qui font une transition, elles essaient de faire trop vite et parfois c’est un peu “too much”.

Quand t’en fait trop, et même une fille “normale” qui en fait trop on va trouver ça bizarre, qu’elle se maquille trop. Le fait d’en faire trop, les gens se demandent pourquoi elle en fait trop, Est-ce qu’elle cache quelque chose ?  Je sais que pour m’habiller, je m’habille de façon vraiment d’une façon très féminine dans la vie de tous les jours, avant j’avais un style très androgyne, du coup je passais un peu pour les deux. Après, m’assumer, me maquiller un peu plus etc., je l’ai fait à partir de 8 mois d’hormones, là où je me sentais déjà assez féminine. Mon corps avait pas mal changé et je me suis dit bon là, c’est peut-être le moment et je suis allée petit à petit. Par exemple, ma première jupe je l’ai mise y’a pas longtemps, en fin d’année 2018, j’ai mis ma première jupe, presque deux ans après mes hormones. Il faut vraiment aller par étape et faire les choses tranquillement, il faut pas se presser.

Annexe 2 : Interview de Frenchy Charly

Que fais-tu dans la vie ?

La je suis animateur, donc en gros je travaille en centre de loisir avec des enfants de 5 à 11 ans et je fais aussi du périscolaire le soir, c’est de la garderie quoi à l’école avec des maternelles (3-5 ans) et c’est tout. C’est super cool, enfin j’adore, j’avais déjà travaillé en tant qu’animateur l’été et l’année je faisais juste les mercredi et maintenant je fais tout les jours. L’année dernière je faisais ça pendant que j’étais en cours en fait. Et là c’est à plein temps.

Quel âge as-tu ?

22 ans.

Quand as-tu commencé les vidéos YouTube ?

Heu, de ma chaîne principale ? Parce que j’ai eu plusieurs chaînes. Des contenus différents ? Parce que j’ai eu plusieurs chaines en fait, j’ai commencé en 2015, juste après mon bac, en 2015. Et après ça remonte en… 2011, je me rappelle même plus.

Quels contenus avaient tes différentes chaînes?

Les deux premières c’était pratiquement la même chose. La toute première c’était sur la musique, je reprenais des chansons à la guitare, après j’ai pu mettre d’autres vidéos dessus, etc. Et j’ai fini par mettre des compositions, une composition dessus, une chanson que j’ai écrite et que je chante après j’ai arrêté cette chaine, parce que j’avais un ami qui faisait de la musique du coup on a fait une chaîne à deux, on a repris des musiques et heu… après, heu, la troisième c’est celle où j’ai commencée à faire des espèce de podcast sur plein de sujets, la dernière ou j’ai fait une vidéos sur les seins le coming out sur les question chiantes quand t’es lgbt, l’androgynie, c’est cette dernière chaine-là que j’ai arrêté y’a deux ans je crois.

Pourquoi as-tu arrêté YouTube?

Heu je sais pas. Parce que je suis toujours en galère de logement, donc trop de trucs qui posent problèmes. Après, heu, ça me dérangerait pas c’est juste que faut un endroit ou je sois seul et que j’ai de quoi monter, si j’ai pas d’ordinateur et si je suis pas seul c’est compliqué.

As-tu peur de la réaction de votre entourage quand tu leur a dit que tu étais transgenre?

Hm, par rapport à YouTube ou général ? (ton entourage) Mes amis, bah du coup c’était mes amis du lycée parce que je venais d’arriver à tour, mais en tout cas mes amis de Tour, ils étaient en mode « ah ok pas de soucis » parce que ça faisait genre trois mois qu’on se connaissait donc ils allaient pas forcément genre donner leur avis, et j’étais dans une filière assez cool, j’étais en anglais, c’était une filière ou il y avait pas mal de gens cool, de gauche, ouvert d’esprit. Sinon mes amis du lycée… bah comme je les ai pas vu en vrai, parce que en fait j’ai déménagé à 800 km d’où j’étais avant et j’ai jamais vraiment eut le temps de revenir parce que ça coûte des sous, hm, et du coup bah il y a pas eut de soucis par rapport à ça, j’ai juste envoyé des messages et ils étaient genre « ah d’accord… ». En gros avec mes amis ça a pas posé de soucis.

Et la réaction des internautes sur YouTube?

Les premières vidéos ? Les gens… Bah dans tout les cas je parlais pas de transidentité dès le début, sauf pour les trois dernières vidéos, mais les premières il y a pas eu de soucis en tout cas, les gens ont trouvé ça drôle, je me suis dit « je vais aborder que des thème pas trop compliqués, un peu tabou, des trucs qu’on voit pas sur YouTube », du coup ça faisait rire les gens, ils se reconnaissaient dans les vidéos, et c’était ça le but, que les gens se reconnaissent dans les vidéos pour que ça plaise parce que moi c’est comme ça que les vidéos des autres me plaisaient, quand je pouvais me voir dedans, en rire.

Quelle a été la première réaction des internautes à ta première vidéo?

Hm, alors je crois que ma première vidéo c’était l’androgynie, jcrois et heu, j’ai eu peur sur le côté bah je me mets en scène devant une caméra, chose que j’ai jamais faite, heuu, d’habitude c’était plus genre quand je veux dire des trucs marrants, bah je me met en scène devant les gens directement, en racontant ma vie et c’est drôle parce que je le tourne d’une manière drôle ou c’est drôle parce que je fais pas exprès… la c’était vraiment bah je tourne, je sais même plus si j’ai écrit ma vidéo, je pense que non, parce que tout les vidéos d’après je les ai écrites. Du coup tout ce que je disais, c’était déjà réfléchi et tout, c’était pas spontané. Et heu j’ai eu un peu peur mais pas vraiment de, je me suis dit bah je sais pas, je pense que les gens vont se reconnaître, en fait dans ma vidéo c’était surtout pour ça et hm… et je la trouvais bien et du coup ça allait, quoi j’avais pas… c’est plus le fait que, ouais, les gens ils me voient en vidéos quoi, même moi je me voyais en vidéo et je me suis dit « y’a ma famille qui va me voir en vidéo, après c’est pas forcément, tant le sujet. Je me suis pas dit genre, les sujets sont tabous, du coup c’est ça qui va me retomber dessus. C’est pas ça qui m’a fait peur en tout cas.

Quel type de message reçois-tu des  des internautes (messages perso, mail, un exemple)?

Hm. Bah… à l’époque j’étais pas très connu sur Twitter par exemple, enfin pas très connu, j’avais pas 9000 abonnés comme aujourd’hui. Du coup, bah c’était tranquille, j’ai pas trop eut de messages de haine et si j’avais des messages qui étaient pas supers bons, je les supprimais genre sur le tas, aussi rapidement que possible. Et voilà en fait, j’y portais pas trop attention, je me disais « j’efface tous les commentaires qui me saoulent » et, hm, voilà j’ai pas trop eut de problème en vrai parce que mes vidéos ont pas fait des milliers de vues, genre je dois avoir… J’en sais rien, ça fait très longtemps que j’ai pas regardé mes vidéos… Peut-être je suis à 4000 vues, j’en sais rien. C’était des trucs comme ça du coup c’était pas énorme non plus. Mais en vrai ça allait, c’est plus les gens qui me connaissaient de twitter ou des réso, qui me disaient « ah ouais c’est cool » ou quoi et puis voilà. C’était pas si compliqué que ça.

Te sens-tu accepté par la communauté de youtube? (autres youtubers mais aussi viewers)

Bah j’ai pas, niveau autre youtubeur, j’ai pas trop… hm…, pas trop eut d’échanges. Y’avait juste Laura Badler avec qui je suis devenu pote et on s’est vus après en vrai et tout ça. Qui fait des vidéos et qui continue de faire des vidéos sur la transidentité parce que bah, elle en tant que meuf trans, et… mais j’ai pas eut trop de rapport au YouTube de cette manière là. Peut-être après, j’ai eu le chance de parler avec Nadjélika, hm qui fait des vidéos, qui est super connue. Mais sinon, non je me suis pas sentis, d’une telle ou telle manière parce que vraiment genre, j’ai fait des vidéos pendant… J’ai du commencer c’était octobre et j’ai arrêté en mars, donc finalement j’ai pas été sur YouTube en tant que Youtubeur, parce qu’avant je faisais que des musiques des trucs comme ça, du coup j’avais pas ce même rapport aux abonnés, je parlais pas aux gens et… Du coup j’étais sur YouTube pendant pas longtemps. Moi je me suis senti bien sur YouTube, je me suis sentie lancé on va dire, après j’ai pas eut l’occasion et les moyens de continuer, donc dommage, mais je me suis sentis normal. J’ai senti que ça pouvait aller et j’ai beaucoup plus de notoriété sur twitter avec les photos, les retweet… plus curious cat. Donc en fait j’ai laissé YouTube pour Twitter.

Youtube t’as-t-il aidé dans ton parcours personnel ?

Hm. Ouais, un peu peut être. Hm. Je sais pas trop. Un peu sur l’image que je pouvais donner aux autres ou même le fait de se dire genre, c’est important de faire attention à ce que tu dis… Et même la confiance en soi je trouvais que ça changeait pas mal. Enfin, j’avais une meilleure confiance en moi avec YouTube parce que je me voyais et je pouvais me dire « ok là ça va ». Après on peut se sentir super mal de se voir en photo ou vidéo en se disant « ah mais quelle tête j’ai machin… » et moi j’étais là genre « bah à force de monter des vidéos on se dit que ça va ». Après moi c’est comme ça que je l’ai vécu, après y’a peut-être des gens qui supportent pas de voir leur tête en vidéo alors que ça fait genre cinq ans qu’ils sont sur YouTube, enfin c’est ce que j’imagine.

Regardes-tu des youtubeurs transgenres ? Si oui, lesquels?

Hm. Bah je regarde… en fait ça dépend. Ça fait très longtemps que j’ai un peu arrêté… en fait j’ai un peu arrêté de regarder YouTube quand j’ai arrêté les vidéos… Je regardais des youtubeurs américains ou canadiens, genre Chase Ross qui est super connu dans la communauté trans. Et je regarde ses vidéos de ouf, genre même avant de commencer ma transition ou même de m’outé ou même de comprendre que j’étais trans et tout. Et lui j’ai vachement regardé ses vidéos jusqu’à genre ce que j’ai réussi à le rencontrer parce que je l’ai invité à paris et on a fait une rencontre avec des abonnés et tout. Du coup c’était super cool et je me sentais trop fier d’avoir réussi à inviter un youtubeur genre internationalement connu alors que je regardais depuis des années. Sinon en français y’a Laura Badler qui est une meuf trans et du coup, bah je regarde ses vidéos par ci par là, parfois on se parle on s’envoie des messages. Et elle est super cool. Et voilà… après oui, un peu à l’international je saurais pas trop donner des noms, mais y’a Stef Sanjati, c’est une meuf canadienne, trans, mais sinon c’est les français on va dire. J’ai pas regardé grand monde. Ou c’était plus de la curiosité, quand j’allais sur YouTube machin pour chercher pour voir qui faisait des vidéos, si y’avait de nouvelles personnes, parce que moi quand j’en faisais heu… en tout cas la qualité était pas ouf, à part Laura Badler, en tout cas en France.

Ces youtubers t‘ont-ils influencé d’une quelconque manière?  Si oui, en quoi?

Ouais de ouf. Chase Ross qui est quand même un bon personnage queer dans la vraie vie quoi, il a pu… m’ouvrir l’esprit sur attention à comment on devient toxique en étant un mec trans et éviter certains trucs, genre c’est bien de copier certains codes mais c’est pas bon de tous les copier, parce que y’a des codes qui sont super toxiques, misogynes, sexistes et tout… ça j’ai pu capter en regardant ses vidéos. Chase Ross c’est aussi un mec queer qui affiche ouvertement qu’il est pas hétéro, et qu’un mec trans peut ne pas être hétéro. Ça aussi ça m’a fait réfléchir sur le fait que, avant pour moi un mec trans c’était une meuf qui devenait un mec hétéro, en mode une meuf lesbienne qui devenait un mec trans. Je pense c’est un peu ça dans la tête de tout le monde et en fait grâce à Chase, en tout cas, avec ses vidéos j’ai compris que c’était pas le cas, c’était pas un automatisme et que c’était totalement une liberté de pouvoir… en fait que c’était deux choses différentes, la transidentité et son orientation, l’attirance qu’on a pour les gens, et voilà. Ça m’a appris, je me suis dit « ah ok c’est possible je suis pas obligé de me fermer à ce stéréotype ». Du coup c’était cool.

Que penses-tu des Youtubeurs transgenres américains ? (Nikita Dragun..?)

Je sais pas, ça dépend. Il y a eu beaucoup de doutes sur le côté médical de la chose. Hm. Parce que y’a beaucoup de gens qui pensent que les américains prennent de plus grosses… chez les mecs trans en tout cas parce que chez les meufs j’y connais pas grand chose. Mais chez les mecs qui prennent des doses plus fortes qu’en France de testostérones, genre c’est vraiment des trucs que plein de gens disent, du coup je me suis dit « ah peut-être c’est vrai », je sais pas je suis pas allé vérifier. Et puis même c’est pas les mêmes médicaments, donc… je sais pas si c’est vrai ou pas, j’imagine que oui mais faudrait en parler tout ça. Et sinon, hm… bah tout dépend parce que qui dit youtubeur dit forcément un minimum de… moyens. Donc ça va pas être des mecs précaires qui font des vidéos YouTube, parce qu’il faut quand même avoir les moyens de se filmer, d’enregistrer… Enfin voilà. Du coup c’est pas forcément représentatif de…  Qui on est tous, de la communauté entière. Donc c’est bien de faire des vidéos YouTube pour parler de l’expérience parce que chaque expérience est différente. Après c’est pas forcément représentatif dans la totalité, c’est comme n’importe quel youtubeur finalement. Hm. C’est comme je connais aucun youtubeur ou mec trans youtubeur qui est noir par exemple. Ou peut-être un. Enfin, littéralement, j’ai regardé beaucoup beaucoup de vidéos de mecs trans sur YouTube, vraiment beaucoup… Je dois en connaitre… je connais peut-être un mec darkskin et c’est tout. Après ça va être des light skin skins ou en tout cas des métisses. Et encore la qualité de vidéo est pas la même, ça va être vraiment une qualité genre, très très basse, c’est pas en mode les gros gros youtubeurs, style Chase Ross. Représentatif mais comme d’hab. Ça va être mec hétéro blanc, qui sort avec une meuf, pas de problèmes, avec une mammectomie, qui sont très masculins…

Quelle a été la vidéo la plus difficile à faire ?

Alors là… je sais pas trop. Bah… je pense ma vidéo de coming out, ça a été quelque chose de fort… Je m’en rappelle pas c’était y’a quand même 3 ans. Je sais pas trop. Donc ouais y’a celle-là qui a été forte parce que j’avais tout écrit. Je savais pas comment la commencer, je me suis inspiré d’autres vidéos de coming out, en mode punaise je commence pas quoi, je raconte quoi, comment j’explique ça aux gens… Comment avoir l’air de vouloir parler à sa famille, ses amis et en même temps aux gens qui nous suivent sur YouTube… de la bonne manière tout ça.  Donc bah celle-là ça a été… Genre, sûrement, quand je l’ai finie je me suis dit « bon, c’est parti » et j’ai appuyé sur le bouton, ça a téléchargé et woulalala, qu’est ce qui va se passer… Après je me suis dit, comme d’hab, j’avais un peu peur mais en même temps j’avais envie de la partager, donc je la partage un peu sur les réseaux et puis voilà je lâche ma bombe. Et surtout c’était le problème c’était de se dire « j’espère que tout le monde va la voir mais je saurais pas qui vraiment l’a vue ou pas parce que les gens m’envoie pas de messages, ou like pas sur Facebook… » . C’était un peu tendu. En tout cas c’était la plus récente des vidéos. Le reste tranquille, ça allait, j’ai pas trop eut de soucis. J’étais pas trop stressé, ça m’a pas posé de soucis. J’étais plus excité à l’idée de les mettre souvent.

As-tu l’impression qu’il y a de plus en plus de youtuber trans? Que cela se “popularise” de plus en plus?

Alors, je traîne très peu sur YouTube donc moi je vois vis à vis de Twitter, les gens qui se lancent dans les vidéos ou quoi, qui disent ouais j’ai une nouvelle chaîne… En tout cas j’en ai vu en parler, du fait qu’ils voulaient se lancer sur YouTube, mais sinon c’est sur Facebook. Les gens qui témoignent en mode « ouais je vous ai fait une vidéo de mon opération, j’ai filmé du début à la fin… ». Voilà. Après… je vous dis ça fait longtemps que je traîne plus sur YouTube, je sais pas trop ce que ça donne. Là si je tape, homme trans, ça se trouve je vais connaître aucun des youtubeurs qui vont apparaître parce que ça fait 2 ans et demi que j’y vais plus… J’ai plus trop d’informations sur ma transition médicale à chercher. Donc je vais plus sur YouTube par rapport à ce sujet-là, sauf quand c’est plus politisé on va dire. Genre « là c’est intéressant ». Ou sinon quand ça va parler de… « cinq trucs que vous savez pas sur… » et que c’est une personne trans qui l’a fait, là je vais me dire que c’est intéressant. Mais je regardais, avant je suivais des gens qui étaient en plein traitement, en pleine transition médicale et du coup moi quand je l’étais. Pour me dire « à quoi je m’attends… » c’était un peu ça. Sinon par rapport à la hype, j’en sais rien. Franchement, je pense que c’est un peu genre ça va, ça vient. Y’a des personnes trans qui font leur coming out via YouTube, qui font leur transition, qui font tout ça par YouTube, qui font des vidéos en parallèle avec des gens, explicatifs, ça devient un peu politisé. Et soit ils continuent sur d’autres trucs, d’autres thématiques, soit ils restent très politisés sur ces thèmes, soit ils font du marketing, des produits en rapport avec la transidentité ou l’homosexualité, soit ils se retirent de YouTube. Sinon ils vont aborder d’autres sujets, genre des challenges ou des vidéos, de la musique, enfin moi j’ai déjà vu ça. Après ils vont se retirer de YouTube, et la il va y avoir de nouvelles personnes. C’est un peu un échange comme ça, ou genre y’a des personnes qui vont sur YouTube qui font leur taffe et qui disent « bon bah voilà, je me sens mieux, j’espère que ça a aidé des gens ». Ils laissent leur chaîne et ils partent et fond d’autres trucs quoi. Donc… voilà. En tout cas, les youtubeurs que je suis font vraiment très très peu de vidéos, c’est pour ça que j’ai arrêté d’y aller, de regarder et que… quand j’y vais je suis en mode « ah ça fait longtemps que j’ai pas regardé ça » et puis en fait y’a une vidéo qui est sortie y’a trois mois et puis voilà… C’est une boucle.

Peux-tu nous en dire plus sur ta rencontre avec Chase Ross?

Alors, comment on s’est débrouillé ? Je parlais avec lui sur Facebook pour lui dire des trucs de fanboy « ouais tes vidéos elles m’ont trop aidé, machin bidule truc…ce serait cool que tu viennes en France ». Après j’ai vu qu’il faisait une tournée en Europe et qu’il passait par la France. Du coup je lui aie « bah… j’ai de la notoriété sur Twitter, et que je fais un pot commun et qu’on fait tourner c’est possible qu’on ai des sous et qu’on récolte des sous pour que tu viennes et pour que des gens puissent te voir, parce que je suis sûr que y’a plein de gens en France qui sont intéressés pour te voir, parler… en français ou en anglais » parce que les canadiens ils parlent anglais… Et du coup je lui avais dit « peu importe je suis sûr qu’il y aura des gens qui seront intéressés, on peut s’organiser pour trouver un logement à Paris et tout ». J’étais motivé quoi. On en a parlé, il m’a dit pourquoi pas. Du coup j’en ai parlé un peu sur twitter pour voir les avis, j’ai mis un sondage pour savoir combien de personnes seraient intéressées pour mettre de l’argent, organiser ça. Et après je suis revenu à lui et je lui ai dit… Bref… Trouver un logement machin sur Paris. Et il était d’accord, il avait dit « ouais on peut me payer le vol » ou je sais pas quoi. Finalement, on a réussi à s’organiser, j’en ai parlé sur twitter. Lui il en a parlé sur Twitter de si quelqu’un était sur Paris et pouvait le loger, y’a un mec que d’ailleurs je connaissais qui a répondu. Hm, il a dit est ce que moi je le connais, il m’a envoyé son Facebook, je lui ai dit que c’était un mec safe, qu’il pouvait aller chez lui sans soucis. Après ce mec-là, son copain bossait dans le truc de Paname, le Mag, lgbt de Paris, et du coup il avait dit qu’il pouvait grâce à cette asso réserver une salle au Palais de Tokyo. Ce qu’on a fait, du coup vis à vis de ça sur internet on a pu faire des inscriptions, parce que le Palais de Tokyo c’est pas une place infinie. Y’avait genre 200 places, j’ai posté les liens sur Twitter en mettant l’événement Facebook. Et du coup sur celui-ci on pouvait s’inscrire avec son adresse mail et on avait notre place. Et bref, tout ça après y’avait une date organisée, après Chase est arrivé. On est allé à Paris avec des amis et il m’a donné, genre « on se retrouve là-bas, arrivée à telle heure, porte machin à Orly… ». On y est allé, on s’est tous levés à 6 heures pour aller le chercher à 8 heures à l’avion. Et pour le ramener chez Matt, le mec chez qui il a dormit. Et après tout s’est fait, et puis voilà, on l’a revu… On a rencontré aussi Sophie Labelle, je sais pas si vous connaissez, elle fait des BD canadienne en français et en anglais et c’est une meuf trans. Elle est super pote avec Chase parce qu’elle habite à Montréal et lui aussi. Par hasard elle était à Paris aussi, la même période. On a pu faire une soirée ensemble, c’était super cool de les rencontrer. C’est comme ça que ça s’est passé. Moi je travaillais du coup je suis reparti chez moi et Chase est resté à Paris. On l’a revu une dernière journée et puis voilà. C’était la première qu’il venait à Paris et on a pu lui parler, le rencontrer, les gens ont grave kiffés, et y’a eu plein de photos de faites et voilà c’était sympa. Moi j’étais content d’avoir pu inviter mon youtubeur, youtubeur que je regardais au lycée. C’est cool.

Cela t’as-t-il permis de rencontrer d’autres personnes trans ? Que t’as apportée cette expérience?

Bah ça a fait que… Quand on rencontre des personnes publiques comme ça on se rend compte que c’est juste des gens en fait. Pas des images, pas des gens justes comme ça qui sont parfaits, qui ont pas de problèmes psy, qui parlent bien, qui angoissent jamais et tout… On dirait quand on regarde des youtubeurs on dirait qu’ils ont pas de goûts, on sait pas ce qu’ils aiment, ce qu’ils aiment pas… Et là on a pu parler et rigoler ensemble, faire des blagues, y’avait plus du tout cette barrière de YouTube et des abonnés, des milliers de vues… C’était sympa, on a échangé un peu de culture différente car le Québec c’est pas la France donc… genre la manière de parler, les mots, comment on dit ça… C’était franchement cool. Ca m’a fait une grosse rencontre dans ma vie quoi. T’as des gens tu vas leur parler pendant des mois et des mois et puis tout d’un coup tu les rencontres en vrai et puis ça te fais ça… Là c’était un peu pareil sauf que c’était… j’étais un peu manager, c’était en mode « oui on va le chercher en avion, pour le ramener à Paris, après on prend le métro ensemble, après on le ramène chez lui, après on se retrouve au Palais de Tokyo pour faire rentrer les gens, du coup je lui dit est ce que ça va… ». Je me suis senti tellement manager alors que moi j’étais juste en mode… Du coup voilà c’était drôle. Bon souvenir. Je suis fier, si y’a des gens qui connaissent Chase Ross en mode « oui tu as déjà regardé ? », moi je suis là « oui je l’ai même invité à Paris, il est venu. » On était tout le temps ensemble, c’était grave cool.

Penses-tu que la communauté trans a atteint son objectif d’acceptation ou penses-tu qu’il y a encore un long chemin à parcourir?

Toujours pas assez. Clairement y’a des sujets qui sont abordés, présents depuis beaucoup plus longtemps que la transidentités qui sont toujours pas acceptés depuis longtemps. Un truc basique, le racisme ça fait des années et on n’y est toujours pas. Ça va mettre vraiment longtemps. Hm. Après, ça a avancé mais c’est compliqué parce qu’on passe du côté anormal à la fétichisation. Au fait qu’il faut qu’on soit regardé pour que des gens soient questionnés par nous. Faut que la biologie, la santé, la science soient questionnées par nous… Donc voilà, ça avance mais c’est plus sur… Je sais même pas si c’est juste un pas en arrière, deux pas en avant. C’est genre un pas avant un pas en arrière, c’est quand ça peut. Ça avance mais on n’y est pas quoi. On y est tellement, on est à 20% d’acceptation. Je pense entre les années 80 et maintenant on est passé, ouais… de 0 à 20. En quarante ans. C’est ralenti.

Considères-tu Youtube un lieu d’espace d’expression de soi et de construction identitaire ? Pourquoi ?

Je pense qu’on peut se construire en faisant des vidéos YouTube parce que hm… Grâce aux abonnés, aux gens qui nous suivent, aux communautés extérieures qui peuvent s’exprimer sur notre contenu… Parce que si on remet pas en question la légitimité des gens à dire qu’une chose est pas bonne ou une autre, on avance pas et on garde sa communauté fermée. Donc figée dans le temps, qui avance pas. Je sais pas si j’aurais des exemples. La plupart du temps, on va retrouver beaucoup de misogynie ou de sexisme là-dedans et genre ça va être des communautés très fermées. Après ça me lance un peu dans le… j’ai envie de clasher des gens du coup, mais… Bah y’a eu les polémiques avec Gaëlle Garcia Diaz, je sais plus… bref. Qui était un peu une ouverture pour plein de gens et quand… elle a eu cette image de femme libérée, jusqu’à ce que les gens concernés lui disent « ah par contre t’as juste dit ça c’est pas possible, par contre t’as dit negro, t’as été homophobe… » et en fait elle s’est complètement fermée. Elle a commencé à s’exprimer en disant « on peut plus rien dire, les féministes ça me casse les couilles, j’ai pas besoin de parler de telle ou telle chose ». Et en fait elle s’est mis les gens à dos et là, du coup, sa communauté va se figer. Contrairement à Squeezie, par exemple, il fait des vidéos ou il dit de la merde, après il dit « ouais je suis désolé pour la vidéo d’avant…je voulais vexer personne et tout ». Je pense c’est un peu la même chose avec Shera… Keriensky. Elle avait fait le black face et avait supprimé sa vidéo. Déjà j’ai trouvé ça bien, elle fait un black face, c’est grave de la merde mais au moins t’as supprimé. Et elle a fait une vidéo d’excuses, ça excuse pas tout, mais faire ça c’est montrer qu’on a compris que c’était pas bien, potentiellement elle va pas recommencer. Et je trouve ça bien que des youtubeurs puissent se remettre en question. Et c’est grâce aux gens, s’il y avait pas plusieurs communautés qui regardaient les vidéos, ils pourraient pas se remettre en question. Donc je pense que ça aide les gens à évoluer. Si des youtubeurs regardaient leurs anciennes vidéos, ils se diraient oh lala… qu’est-ce que j’ai pas dit. Et y’a des youtubeurs qui suppriment des vidéos peu à peu.

Quels conseils donnerais-tu à une personne transgenre ?

Regarder des vidéos YouTube, je pense. Le truc que tout le monde fait et que tout le monde devrait faire parce que on trouve de tout. Chercher ses réponses sur YouTube, c’est les gens qui parlent avec des témoignages réels et tout ça. Et d’autant plus qu’on peut s’attacher à des gens, comparer aux gens, à une image. Moi c’est littéralement quand j’ai vu des trucs sur YouTube que je me suis dit genre « ah ouais c’est cool, j’aimerais bien être pareil, faire pareil ». Du coup voilà. Et prendre son temps et expérimenter. Y’a que l’expérimentation qui va faire qu’on va se trouver : c’est en se coupant les cheveux qu’on capte si on aime bien ou pas. C’est clairement ça pour tout. En essayant des nouveaux prénoms qu’on trouve le bon, ou que celui de base nous va mieux, en changeant de pronom qu’on voit si ça nous va mieux, ou si on aime bien les deux… C’est vraiment l’expérimentation et après YouTube parce que… Quand on sait pas que se couper les cheveux chez tel coiffeur ça existe, que… mettre des vêtements de telle marque ça fait telle forme sur le corps… Je pense YouTube c’est pour les réponses et après faut expérimenter. Et s’entourer de gens bien, qui nous ressemblent, de la communauté, voilà. C’est compliqué, chacun vit sa transidentité différemment. C’est se chercher et après les réseaux sociaux c’est pas mal, faut y faire attention forcément, mais je trouve ça quand même bien parce qu’on peut se retrouver entre pair. Et c’est ça pour toutes les communautés.

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