LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Le crédit social

Romain BELLEUVRE

Avant-propos :

Avant même d’introduire mon sujet je tiens à signaler certains éléments au(x) lecteur(s). Tout d’abord mes sources sont quasiment toutes en anglais, en particulier mes deux sources principales qui sont des documents réalisés par des officiels chinois qui ont été traduit en anglais. Bien que je sois capable de faire une traduction passable du sujet, en préservant le sens de ce qui est dit, il est tout à fait probable que je fasse certaines approximations dans mes traductions. Ainsi pour les citations les plus longues, je vais les mettre en anglais, suivis d’une traduction que j’aurais effectué moi-même.  Je vais faire de mon mieux pour garder leur signification, toutefois je préfère prévenir que certaines traductions ne seront pas élégantes, seront trop littéral ou trop peu littéral.

De plus, le crédit social tel qu’envisager par la Chine, est un projet en cours de construction, sur lequel il n’y a pas tant de sources que cela, avec des sources journalistique qui  peuvent être en contradictions. Je vais donc surtout me baser sur les documents officiels, qui sont disponibles dans les sources, qui ont été traduit en anglais pour réaliser mon analyse.

Enfin, il est nécessaire de préciser que je n’ai pas eu l’occasion d’interroger des officiels chinois(à la surprise générale) quant à la mise en place de ce projet, ni eu accès à des représentants des entreprises partenaires au crédit social. De plus, à mon sens il n’y avait que très peu d’intérêt à interroger des ressortissants chinois en France pour avoir leurs avis, me concentrant sur le fonctionnement, les fonctions et les conséquences possibles du crédit social, les opinions des individus ne sont pas centraux à ce type d’exploration de sujet. Il n’y a donc pas d’entretien lié à ce sujet. Pour précision toutefois, les journalistes ayant eu accès à des officiels chinois n’ont eu que des réponses vagues et qui étaient déjà écrite dans les documents en sources, même si j’avais réussi à avoir un officiel, je doute que j’aurais réussi à obtenir plus d’information qu’un journaliste de la BBC, de CNN ou du Washington Post.

Pour terminer cet avant-propos, j’insiste sur le fait, que ce crédit social est dans la forme un projet, qui est porté par le gouvernement chinois, qui semble très déterminé à le mettre en place. Cependant, sa forme reste imprécise, avec juste une idée plus ou moins clair, des sanctions qu’ils comptent appliquer à ceux qui vont « rompre la confiance », une participation active des entreprises chinoises quant au partage d’information, et finalement assez peu d’autres éléments. Ce que je dis ici est donc, à prendre avec précaution, en particulier dans certains passages ou je fais des hypothèses, qui me semble certes probables mais ne sont pas garanties.

Maintenant que cela a été précisé, je ne peux que conseiller la lecture des documents que j’ai mis en « sources principales » qui sont des documents traçant les grandes lignes de certains points du crédit social. La lecture de ceux-ci n’est pas forcément aisée, de par le fait qu’ils sont dans un format avec le document écrit en anglais dans leur première partie, et en mandarin dans leur seconde. Et que le langage est soutenu, juridique, économique, relativement recherché et pas nécessairement simple à comprendre. Toutefois, il me semble très important à lire si le sujet vous intéresse, ne serait-ce que pour voir l’ampleur de ce qu’ils veulent mettre en place en termes de sanctions.

 

Le principe du crédit social

 

L’idée derrière le crédit social est de disposer d’un système de notation, reprenant différentes sources, permettant d’avoir des informations variées quant aux comportements des individus. La Chine souhaitant disposer d’un système de ce type, en y ajoutant tout un système de récompense /sanction  selon la note de l’individu. Ainsi, le crédit social tel qu’il est vu par le conseil d’Etat chinois, et qui a été transmis au « programme pour des lois et règles comparables » de l’université d’Oxford.

“A social credit system is an important component part of the Socialist market economy system and the social governance system. It is founded on laws, regulations, standards and charters, it is based on a complete network covering the credit records of members of society and credit infrastructure, it is supported by the lawful application of credit information and a credit services system, its inherent requirements are establishing the idea of an sincerity culture, and carrying forward sincerity and traditional virtues, it uses encouragement to keep trust and constraints against breaking trust as incentive mechanisms, and its objective is raising the honest mentality and credit levels of the entire society.” Du “State Council Notice concerning Issuance of the Planning Outline for the Construction of a Social Credit System (2014-2020)”

“Un système de crédit social est une part importante du marché économique socialiste et du système social de gouvernance. Il est fondé sur des lois, réglementations, standard et chartes, il est basé sur un ensemble complet couvrant les historiques de crédit des membres de la sociétés et des instituts de crédits, il est supporté par l’application légale des informations de crédit et du système de crédit, ces prérequis inhérents, sont d’établir une culture de la sincérité, de la transmettre avec les vertus traditionnelles, il utilise les encouragements pour garder la confiance  et des contraintes contre ceux qui brise celle-ci, comme mécanisme de motivation, et ces objectifs sont de mettre en avant une mentalité honnête et d’augmenter le niveau de crédit de la société dans son ensemble ».  Cette définition provient d’une note intitulée « Note du conseil d’Etat concernant la mise en place d’un planning pour la construction d’un système de crédit social (2014-2020) ».

En somme, on peut voir via l’introduction de cette note que la Chine souhaite créer un système regroupant les informations bancaires et des instituts de crédit pour mettre en place un « système de crédit social » récompensant les individus ayant des comportements qui serait jugé vertueux et créant des contraintes pour ceux qui ne respecterait pas ces vertus. Ce système serait donc basé sur une forme de « carotte et bâton » à l’échelle du pays, avec d’un côté les comportements qui seraient définis comme bon qui serait source de gratification et ceux ne les respectants pas, qui seraient « punis ».  Sur cette base d’élément il est tout à fait possible de tirer un lien avec le système de « credit score » utilisé aux Etats-Unis, qui regroupe les informations bancaires et de prêts et note les citoyens américains par rapport à leur capacité de prendre un prêt auprès des banques ou non. Ce système américain est supposé permettre aux banques de savoir si leurs clients sont solvables et ont la capacité de prendre un prêt.  Les informations regroupées se disant similaires, la différence majeure est le cadre de sanction/récompense que veut la Chine.  C’est le premier aspect véritablement mis en avant dans ce texte, la volonté de réguler le système de crédit interne en Chine pour couvrir la société chinoise dans son ensemble dans un cadre économique claire, où l’information circule vite, et est disponible pour les différents acteurs. De plus via des avantages proposés pour les « bons » citoyens, et des contraintes pour les « mauvais » le crédit social serait un moyen de motiver les citoyens.

D’un côté, il est vrai que le gouvernement chinois souhaite créer un système de transmissions des informations liés aux crédits, pour de nombreuses raisons économiques, allant de la nécessité de reconnaître les capacités économiques de sa population et de ses entreprises, de savoir qui peut faire un prêt ou non etc… La volonté de créer une base de données, regroupant autant que possible les informations quant aux capacités de crédit et dépenses des citoyens est quelque chose qui se fait finalement déjà dans la plupart des pays développés. Que ce soit le système de « credit score » américain, les notes que donnent les assurances sur les comportements avec volonté de faire payer plus ou moins selon ceux-ci, la surveillance quasi-généralisé via les grosses entreprises du web où les gouvernements. Ce type de phénomène n’est pas nouveau dans l’idée mais l’est dans la concentration de ses mécanismes en une seule entité, et par les moyens engagé. En effet,  le « credit score » américain, n’a pas de réelle optique quant à influencer la population ou les comportements, c’est surtout un outil servant les intérêts des banques et assurances, plus qu’une façon de juger la population en soi. Même les cas de surveillance de masse, qu’ils soient étatique ou provenant des grandes entreprises du web, n’implique une notation ayant un objectif explicite d’influence des comportements, mais réponde a priori à des besoins de sources quant aux menaces terroristes pour les Etats, et permettent un ciblage plus poussé de la communication pour les entreprises (dis très rapidement, c’est bien plus complexe, mais ce n’est pas mon sujet).

On remarque aussi que les méthodes pour arriver à cette base de données sont « questionnable »,  cela va jusqu’à la volonté de créer un :

« Civil servant sincerity dossiers, enter civil servants’ personal credit information concerning reports on events, records of sincerity and cleanliness in government affairs, the results of annual evaluations, acts violating laws, disciplines and contract into their files, and make civil servants’ sincerity records into an important basis for assessment, employment and rewards.”

Traduction : « un dossier regroupant les informations de crédits personnels, les enregistrements sur la sincérité,  le fait de ne pas être corrompue dans la gestion des affaires du gouvernement, les résultats d’une évaluation annuelle, les infractions à la loi, la disciplines, et faire de ce dossier une part importante de notation, d’emplois et de gratification. »  Ce système va donc bien plus loin qu’un « simple » système de notation quant à la capacité de prendre un crédit et se veut véritablement comme un système de notation social regroupant un grand nombre de facteurs, non limité aux seules affaires économiques. Mais regroupant bien le respect des lois mais aussi des points qui sont bien plus vaguement définis. Comment est définie la partie sur la sincérité dans les affaires du gouvernement ? En quoi consiste cette évaluation annuelle ? Ce texte (du parti communiste) précise comment doit être promu ce projet, avec des demandes de renforcement de la propagande quant aux avantages du crédit social, et ceux, à toutes les échelles du gouvernement, et précise un grand nombre de points sur les applications économiques. Surtout que ce crédit va être appliqué à toute la population dès 2020. Certains groupes vont d’ailleurs faire face à une surveillance plus prononcé, que ce soit les enseignants, docteurs, journalistes…

Là où cette histoire se complique encore, c’est par l’apparition de forme d’essai du crédit social gérer par des entreprises chinoises, huit entreprises ont été appelé pour réaliser une première version de crédit social, avec en particulier deux des géants du numérique en Chine, Alibaba et Tencent. Ces groupes ont des aides du gouvernement en contrepartie d’une forme de période de test de différentes formes de crédit social. Ils seront de plus amenés à donner leurs données au gouvernement chinois quand le crédit social serait imposé sur tous les citoyens chinois en 2020.

Actuellement ces grands groupes offre le système comme un service, et nous n’avons pas de connaissances complètes quant aux types de données qu’ils utilisent pour noter les inscrits. Toutefois, il semblerait  qu’Alibaba (l’Amazon chinois), récupère les données d’achat de ses clients. Certaines sources parlent du fait que selon les achats effectué la note changeait, c’est-à-dire qu’acheter des couches fait monter la note, car en acheter amène à être jugé comme un parent responsable, quand, acheter des jeux vidéo feraient baisser la note, car impliquerait que l’on serait un citoyen indolent. Enfin ces entreprises disposent de certains des réseaux sociaux les plus importants en Chine. Et bien que promettant qu’actuellement ils n’utilisent pas les données récupérer sur les réseaux sociaux pour la notation, il est difficile de savoir la vérité quant à ce sujet, et si l’Etat chinois qui aura accès aux données, ne s’en servira pour remplir son propre agenda. Bien que cela soit spéculatif, les questionnements impliqués par les accès, et la quantité de données que va acquérir la Chine à propos de ces citoyens est sans précédent.

Ce projet est malgré tout difficilement réalisable du point de vue technique, un certain nombre d’observateurs sont dubitatif quant à la possibilité technique de créer une base de donnée contenant un grand nombre d’éléments sur la vie de près de 1,4 milliards de personnes. En sachant qu’une partie de la population n’a pas d’accès facile/régulier à internet, que le niveau de développement des différentes régions du pays est plus que variable et que jamais une base de donnée aussi grande n’a été conçu « d’un coup ».  L’aspect technique et logistique est un défi à part entière pour le gouvernement chinois, mais,  je ne vais pas m’attarder dessus pour plusieurs raisons, d’un côté je ne m’y connais pas assez sur les infrastructures réseaux pour pouvoir juger de la faisabilité d’un tel projet, de l’autre au regard des moyens qu’est prêt à déployer le gouvernement chinois dans ses différents projets, je doute que le côté « difficile à réaliser » soit un réel problème, en particulier, en comparaison  des possibles avantages que le gouvernement aurait, à mettre en place le crédit social, et du fait de pouvoir se vanter sur la scène international d’avoir réalisé un tour de force technique. Gardons quand même à l’esprit que les défis quant à la sécurité de ses données face aux hackers et gouvernements étrangers seras très difficile à assurer pour le gouvernement qui va devoir en plus faire confiance aux données provenant de différentes sources, dont des entreprises privés qui sont encore moins à l’abri d’espionnage industriel ou gouvernemental.

Le crédit social quelles utilisations ?

 

Le crédit social offrirait au gouvernement chinois de très nombreux avantages dans le cadre du contrôle qu’il exerce, non seulement sur les activités économiques, mais aussi sur la population en tant que tel.

Pour ce qui est du cadre économique récupérer ses données est un enjeu qui semble majeur pour la Chine. Leur banque central à des informations sur 800 millions de citoyens chinois, mais il semblerait que seulement 320 millions aient des informations de crédit « classique » (article de la BBC). Avoir ce type d’information à disposition pourrait être selon les défenseurs du projet, une bonne plus-value pour les entreprises et banques. Leur permettant d’éviter de faire des prêts à des clients qu’il jugerait à risque et en conséquence de réduire les risques économiques, en particulier en ce moment où la question du futur de l’économie chinoise est en question.  Des clients du crédit Sésame, le crédit crée par Alibaba, à Pékin ont aussi témoigné, à la BBC, du côté pratique de ce type de système, leur permettant de louer sans avoir à laisser de dépôt grâce à leurs bonnes notes par exemples. Le système permettrait donc de créer une sorte d’assurance au sein  de l’économie chinoise, qui après sa longue phase de développement est en recherche de stabilité. Mais, il semble que les risques liés à une mauvaise note ne sont pas encore bien compris par les utilisateurs de ses versions privées du crédit social. Bien qu’actuellement aucune contraintes ne soient appliqués aux mal-notés, les sources officiels concernant le crédit social précise que de nombreuses sanctions sont envisagés.

Il faut savoir que le système de sanction envisagé par la Chine est particulièrement large, touchant de nombreux domaines, mais aussi « intégral » que possible. Je citerais: “Persisting in joint punishment. All localities and all departments must carry out their proper functions, […] warning and punishment systems where if trust is broken in one place, restrictions are imposed everywhere.” Se traduisant par « persistance dans les punitions liés. Toutes les localités et tous les départements doivent assurer leurs fonctions propres […] un système de punition et d’avertissement qui, si la confiance est rompu en une place, des restrictions sont imposé partout ». Le cadre punitif alors envisagé par le parti communiste apparaît alors comme une forme de perte de droit citoyen partout sur le territoire chinois en cas de « rupture de confiance ».  Parmi les nombreux types de restrictions et punitions envisagées on peut citer, le fait de ne pas avoir le droit de sortir du pays, de ne pas avoir accès à certains produits de luxe, certains modes de transports, que ces enfants ne peuvent avoir accès à certaines écoles, des restrictions quant aux libertés économiques, le non accès à certaines plateformes financières, certains métiers et certains grades etc… Le cadre punitif envisagé implique une véritable restriction généralisée quant aux libertés citoyennes, dans un pays qui n’est déjà pas celui offrant le plus de liberté aux habitants. Les sanctions envisagées sont variés, recoupant de nombreux éléments de la vie courante, empêche de se déplacer, affecte même les enfants des individus. Et je n’ai même pas parlé de la moitié de sanctions envisagées, qui enlève les aides d’Etat, enlève le droit d’exporter ou d’importer des biens, interdit d’investir au-dessus d’une certaine marge… Ces sanctions auxquelles le gouvernement réfléchit sont pour ma part terrifiante, on parle ici d’un gouvernement enlevant des droits à des individus selon leurs comportements économiques ! Bien que je rappelle dans ce texte assez régulièrement la facilité avec laquelle le gouvernement chinois va avoir accès aux données de tous types, y compris de communication sur les réseaux sociaux. La Chine n’a pas arrêté de répéter qu’elle ne comptait utiliser que les données économiques, ce qui impliquerait que des individus pourraient se voir interdire de sortir de leur province, ne pouvant utiliser les transports, ne pas pouvoir envoyer leurs enfants dans les écoles de leurs choix, ne puissent travailler où ils veulent à cause de raisons purement économiques.

Je vais tout de même atténuer mon propos en rappelant que bien que la source de sanctions envisagées soit une source officielle, ceci n’est que l’opinion donnée par un conseil d’Etat en septembre 2016. Le système ne sera réellement mis en place qu’en 2020. Mais, remarquons que même actuellement certaines formes de sanctions « social », c’est-à-dire non soutenu par la loi ou le cadre d’utilisation des crédits sociaux des firmes, peuvent exister.

Notamment sur le site de rencontre Baihe, qui après avoir fait un partenariat avec Alibaba, propose à ses utilisateurs de mettre en avant leur crédit Sésame, pour être plus visible sur le site. En mettant en avant ceux qui diffusent leur crédit Sésame, qui est supposé être privé, le fait même de garder celui-ci privé est remis en question. Il est alors plus avantageux pour les individus en recherche de couple de mettre en avant son crédit Sésame que de le cacher, ne serait-ce qu’en raison que son profil est plus mis en avant par le site. Mais aussi car, plus il y a d’individus l’affichant, plus il sera compliqué de ne pas mettre en avant le sien. Le fait est qu’à terme, ceux qui ne n’afficheront pas leur note se verront exclu a priori, ces individus ne montrant pas leurs notes auront dans l’esprit des autres, quelque chose à cacher, honte de leur note, que ce soit vrai ou non. Et se verront ainsi contraint de l’afficher s’ils veulent continuer d’utiliser Baihe dans des conditions normales.

Un autre point poussant à rendre public cette note, est l’apparition d’une application faite pour le crédit Sésame, consistant en une forme de jeu où il faut se situer comparativement à ses amis, qui doivent avoir rendu leur note accessible pour pouvoir jouer. Renforçant les moyens mis en œuvre par l’entreprise pour faire en sorte que leurs clients rendent leur crédit public par eux-mêmes, ne les forçant pas, mais les encourageant à le faire via différents moyens. Que ce soit sous le déguisement du jeu, ou en faisant en sorte que la pression sociale pousse à la révélation. En faisant en sorte que les individus soit plus ou moins contraint par d’autres d’afficher leurs scores car « s’ils n’ont rien à cacher ils peuvent le montrer », ce crédit est petit à petit rendu publique de facto.

Et ce côté public, s’il est gardé par le gouvernement dans la forme qu’il donnera à sa version du crédit social est un élément très puissant de contrôle des normes et valeurs de la population. En particulier car certaines sources suggèrent que les notes de ses proches puissent influer sur la sienne. Si cela s’avère véridique, la capacité de normalisation des individus que cet outil aurait serait sans précédent. Car les notes dépendraient du fait d’avoir des comportements que le gouvernement juge « juste », ainsi en forçant les individus à révéler leur note, la pression sociale qui s’exercera sur eux, s’ils ne correspondent pas aux attentes, sera énorme. Avoir une mauvaise note, si celle-ci peut influer sur celle de ses amis et de sa famille implique que ceux-ci vont vouloir forcer celui qui baisse à se comporter selon ce que le gouvernement attend des citoyens, diminuant le travail du gouvernement sur le terrain de la propagande. Car pouvant forcer les individus à adopter des comportements qu’il souhaite en changeant simplement l’algorithme pour que celui-ci « attaque » ceux qui ne se conduisent pas de la façon jugée bonne, permette en quelque sorte de sous-traiter le travail de la propagande à la population elle-même. Si tous vos amis et votre famille vous implorent, ou ordonnent de changer de comportement pour leur bien, il sera très complexe de ne pas les écouter en sachant que la pression mise sur eux par vos propres actions sera forte.

Et même dans le cas, ou sa propre note n’influe pas sur celle de ses proches, le fait d’avoir une mauvaise note se fera ressentir socialement. Car si ne serait-ce que 20% des sanctions envisagés sont mis en place en 2020, les citoyens mal-notés seront des citoyens de « seconde-zone », ayant moins de droits, de ressources, d’aides et vont souffrir d’une stigmatisation social forte. L’un des objectifs étant littéralement de transmettre un ensemble de normes et valeurs à toute la population et d’isoler ceux qui iraient à l’encontre de cela.

Un système fondamentalement nouveau

 

Pour être tout à fait honnête, j’ai choisi d’écrire sur ce sujet pour une raison assez simple : je n’ai jamais rien vue de comparable. Ce principe de noter une population entière en regroupant des données sur ces comportements, économiques et juridique au minimum, peut-être sociaux. Est quelque chose qui est tout droit sorti de la science-fiction. Que ce soit, le classique « 1984 » ou encore le premier épisode de la saison 3 de « Black Mirror » ce genre de chose était pour moi, une fiction (terrifiante), mais incroyablement improbable. Mais ce système envisagé par la Chine est unique de sa propre manière. Plutôt que de rappeler continuellement aux citoyens qu’ils sont surveillés par « Big Brother », les citoyens vont devoir se surveiller eux-mêmes, on parle ici d’un système poussant les individus à de l’autocontrôle correspondant aux vœux de l’Etat. Comme il n’aura qu’à donner des points pour les comportements qu’il souhaite, et en enlever pour ceux qui lui déplaise.

Et bien que la plupart des discours officiels disent que les déclarations des individus n’impacteront pas la notes, à long terme cela risque de changer. Car même si le gouvernement respecte sa parole et ne laisse que les données économiques influer sur les droits de ses citoyens en 2020. En particulier pour ne pas se mettre l’opinion publique à dos instantanément, si le système est poussé petit à petit vers une forme qui regroupe de plus en  plus de données, et se perfectionnant avec les temps, il n’y aura que peu de mouvement de masse allant contre ce système.  Si un système est instauré dans la vie publique, de manière assez lente que les individus s’y habituent il sera facile pour le gouvernement de faire changer ce programme d’un mécanisme surveillant l’économie à une véritable « autodictature ». Ou par la création d’un système de notation généralisés, on verrait émerger une société d’autocontrôle sans précédent.

Conclusion

Ce système si mis en place, même dans sa version «purement économique » incorpore un système de gratification/punition qui va amener à des changements sociaux difficiles à prévoir de par leur côté unique, sans précédent historique. Je dois bien reconnaître qu’une part de moi ne peut être qu’impressionné par ce qu’est prêt à faire ce régime pour assurer son pouvoir, non seulement dans la taille des projets mis en œuvre, mais aussi dans ce qui est une intelligence réelle quant au contrôle de la population. L’incorporation du système du crédit social en plusieurs années, avec dans un premier temps ses versions venant du privé, qui sont des formes de test, ou le gouvernement ne risque rien, mais habitue toutefois la population à cette logique. Qui est, de plus rendu ludique par certaines de ces entreprises, permettant que l’idée s’insère dans un cadre social assez facilement et sans trop de remous, puisque ce n’est qu’un jeu pour le moment, qui présente des avantages mais aucun inconvénient. Avec dans un deuxième temps, la volonté du gouvernement d’instaurer ce système à toute la population en faisant participer tous les échelons du partis, et en voulant, je cite «  augmenter la propagande, pour faire en sorte que ce le crédit social soit accepté ». Tout ça, pour que le crédit soit accepté par la population, qu’elle ne le rejette pas, ou juste pas au point de devoir l’annuler, donnera à la Chine les moyens de créer une nouvelle forme de dictature, une qui a été pensé dans certaines œuvres mais qui jusqu’à aujourd’hui n’a jamais été mis en place.

Sources Principales :

Opinions concerning Accelerating the Construction of Credit Supervision, Warning and Punishment Mechanisms for Persons Subject to Enforcement for Trust-Breaking, CCP Central Committee General Office, State Council General Office: https://www.instapaper.com/text?u=https%3A%2F%2Fchinacopyrightandmedia.wordpress.com%2F2016%2F09%2F25%2Fopinions-concerning-accelerating-the-construction-of-credit-supervision-warning-and-punishment-mechanisms-for-persons-subject-to-enforcement-for-trust-breaking%2F

 

State Council Notice concerning Issuance of the Planning Outline for the Construction of a Social Credit System (2014-2020): https://chinacopyrightandmedia.wordpress.com/2014/06/14/planning-outline-for-the-construction-of-a-social-credit-system-2014-2020/

 

Sources Secondaires :

https://www.corbettreport.com/sesame-credit-chinas-creepy-new-social-engineering-experiment/

http://www.businessinsider.fr/us/china-social-credit-score-like-black-mirror-2016-10/

http://www.bbc.com/news/world-asia-china-34592186

http://www.independent.co.uk/news/world/asia/china-surveillance-big-data-score-censorship-a7375221.html

http://www.independent.co.uk/news/world/asia/china-has-made-obedience-to-the-state-a-game-a6783841.html

http://news.xinhuanet.com/english/china/2014-05/06/c_126465109.htm

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