LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Écrire des fanfictions à l’ère du numérique : Une pratique jouable aux rôles multiples.

Duron Paul-Henri & Oudan Prou

Introduction:

Dans le cadre du cours Sociologie des mondes numériques, nous devions constituer un dossier croisant une pratique sociale à la problématique du numérique. Nous avons opté pour rendre compte d’une pratique de fan: Les fans fictions et en particulier sur le roman “Harry Potter”. Celles-ci seront observées au prisme d’un forum de partage de fans fictions afin de rendre compte de l’activité réel des fans quand s’ajoutent des médiations numériques.

Écrit par J.K Rowling entre 1997 et 2007, « Harry Potter » est une suite romanesque fantasy comprenant 7 tomes, dont tous furent des best-seller. La série est à l’origine de 8 films, de plusieurs jeux vidéos et autres, qui  témoignent d’un succès commercial très important, c’est un produit transmédiatique (Sébastien, 2009)

En effet Harry Potter a rencontré un véritable triomphe partout sur le globe, traduit en plus de 70 langues, l’impact culturel qu’il a laissé sur ses lecteurs est frappant. On parle même de « Pottermania » pour traduire l’engouement qu’il a créé. Cette série littéraire a donc suscité notre intérêt car sur la toile on retrouve énormément de sites (forums, blogs, jeux en ligne) gérés par des fans pour des fans.

Le forum « hpfanfiction » est un regroupement de récits où les fans prolongent les aventures d’Harry Potter, où rajoutent des scènes pouvant s’insérer dans les livres (sorte de bonus), bref ils y écrivent des fanfictions. Le site est articulé en différentes thématiques sur fond violet, révélant ainsi l’écrasante féminité de ses membres.

En premier lieu l’internaute tombe sur l’encadré « Bienvenue » qui lui indique, le nombre de membres (53538), d’histoires (20840) ou encore de chapitres publiées (98624). En dessous il y a 4 autres encadrés qui signifient respectivement les dernières nouveautés, les sélections du mois, les différentes catégories de fanfictions et les liens/affiliations du site.Sur le côté droit de ces encadrés, directement sur le fond violet, il y a ce qui s’apparente aux « actualités » du site, soit la résolution d’un problème de connexion, où la présentation de divers concours. (Figure 1)

Figure 1- Page d’accueil “Hpfanfiction”

Nous avons trouvé le site globalement bien organisé, surtout pour les catégories d’histoires qui permettent à l’auteur de bien sélectionner son contenu. Il y en a onze (« Après Poudlard », « Durant Poudlard »,  « Romance (slash) », « Biographie », « Voyages temporels », « CrossOver », « Les Fondateurs », « Romance (het) », « Univers Alternatifs », « Enfances », ou « Autres fics ») qui sont elles même divisées en sous catégories. Par exemple dans la catégorie « Biographie », il y a différents noms de personnages qui correspondent aux nombres de biographies écrites sur eux. (Figure 2)

Figure 2- Les catégories de fanfictions du site

Notre question de départ était la suivante: Comment l’outil numérique développe t-il une pratique de fans? Est-il possible d’en rendre compte à partir de l’analyse d’un forum de fan?

Il nous semblait judicieux de centrer notre propos sur l’attachement du fan à son produit médiatique, c’est à dire de tenter de comprendre l’origine de l’attachement, son ajustement au produit afin d’être reconnu par ses pairs et les motivations de sa pratique. Le but était de pouvoir peut être faire des comparaisons entre les auteurs et distinguer les redondances parmi les origines, les ajustements ou les motivations. Notre hypothèse était donc que le  site de publication favoriserait l’émergence d’un réseau de sociabilité entre les auteurs. Cela montrerait qu’au delà de l’enjeu identitaire défendu par les genderstudies ou au delà d’un moyen d’extérioriser sa propre expérience comme l’ont suggéré les fanstudies en Grande-Bretagne. La pratique des fanfictions, et en particulier sur les sites de publications, faciliterait la communication entre les auteurs, le partage des textes et l’entraide.

Finalement nous avons conservé cette partie de notre hypothèse, à savoir que le site « hpfanfiction » développe une vraie sociabilité entre ses membres, mais notre problématique a largement dépassé cette question de départ grâce aux différents articles que nous avons lu par la suite. Nous nous sommes en définitive demandé : comment la fanfiction publiée sur un forum Internet relève-t-elle d’un double jeu appartenant à la fois au “game” et au “play”, pour soi et pour autrui ?

Le premier axe de recherche fera écho aux motivations qui conduisent certains fans à écrire des fanfictions, et comment celles-ci peuvent être considérées comme le résultat d’une activité ludique. Internet ayant favorisé encore plus cette attitude ludique via la mise en réseau des pratiquantes des fanfictions de ”Harry Potter” que nous nommerons les “potterfictionneuses”. Nous verrons par quels moyens ce support numérique a multiplié les différents rôles des membres du site hpfanfiction.  La liberté induite par le web a également fait apparaître des normes et des contraintes pesant sur “les auteurs”. Mais elles font partie intégrante de la jouabilité des fanfictions et nous démontrerons qu’elles ne doivent pas être pensées comme annihilant tout processus ludique. (Barnabe, 2014)

L’observation en ligne fut donc notre principal méthode adoptée, nous avons relevé vingt cinq fiches de présentations sur le site « hpfanfiction » afin de déterminer principalement les motivations d’écriture des auteurs. De surcroît cela nous a permis de dresser une typologie de ces auteurs via les détails sociodémographiques présentes sur leur fiche (âge, sexe, diplôme etc.). (Annexe 2)

Après cela nous avons lu cinq fanfictions toujours sur le même site. Nous voulions initialement lire les fanfictions des auteurs dont nous avions exploités la fiche mais il nous fut impossible de les retrouver car il n y a pas de moteur de recherche sur « hpfanfiction ». En effet de base nous avions sélectionné ces vingt cinq fiches de présentations en cliquant aléatoirement sur des fanfictions et en retrouvant leur auteur. Il nous fut donc impossible de taper le nom d’un auteur et de tomber sur ses fanfictions. Par conséquent, nous sommes allées piocher dans les catégories « CrossOver », « Romance (het) », « Romance (slash », «Biographie » et « Univers Alternatifs », les dernières fanfictions achevés pour que ce soit le plus aléatoire possible. Nous aurions aimé en lire d’avantage, mais nous avons été pris de cours par la longueur de certaines. En effet lire la fanfiction n’est pas suffisante, il faut aussi lire tout ce qui se rattache à cette dernière, et parfois, quand elle est très relayée/commentée par d’autres membres, c’est un travail très fastidieux et chronophage.

Nous avons fait un tableau pour exploiter nos fiches de présentation. Il comportait : le pseudonyme, l’âge, le sexe, le diplôme, la date d’inscription, le nombre de fictions écrites, le nombre de commentaires commun à toutes les fanfictions, le nombre de favoris, le niveau de modération, la motivation de la pratique (si précisée par l’auteur), les personnages/couples favoris et d’autres informations complémentaires. Comme dit précédemment cela nous a permis de dresser un portrait type de l’auteur de fanfiction, et de voir également les singularités de certains membres. L’exploitation des fanfictions s’est fait de manière différente. Nous avons analysé la page de présentation de la fanfiction (son synopsis, éventuelle illustration etc.), les notes de début et fin de chapitres, les reviews et bien sur le contenu de la fanfiction en elle même. Cela nous a permis de déceler si la fanfiction était beaucoup relayée par d’autres membres, s’il y avait des marques de dialogismes entre le lecteur et l’auteur, ou encore si l’auteur faisait référence à son identité dans sa fanfiction.

Fanfiction: une pratique ludique ou “jouer à l’auteur”

Dans cette partie nous allons tenter de faire le lien entre le concept de « Play » et l’écriture des fanfictions. Nous nous demanderons si on peut effectivement déceler une attitude ludique à travers cette pratique. Afin d’appréhender la notion « d’attitude ludique » nous nous sommes servi de la définition suivante  (Trilcot, 2013) :

“La part essentielle du jeu ne se découvre pas au niveau d’une stratégie plus ou moins conforme à des règles théoriques. Elle se déploie dans une tactique par laquelle les sujets, compte tenu de circonstances et de conjonctures imprévisibles, adaptent et réinventent leur action. […] La tactique s’actualise sur le plan pratique. En elle, réapparaissent l’incertitude, l’improvisation, le risque et,avec le joueur, le jeu (Henriot, 1969, pp. 86-87)”.

Nous allons donc chercher à déterminer quelles tactiques mettent en oeuvre les “potterfictionneuses” durant leur écriture des fanfictions. Nous parlons de « potterfictionneuses » car les cinq auteurs de fanfictions que nous avons relevés sont des filles et que la plupart des 25 membres dont nous avons étudié les fiches de présentation également.

Mais quels sont donc les facteurs qui influent sur la rédaction de fanfictions pour ces fans ? En premier lieu, la lecture de l’œuvre d’origine se doit de s’inscrire dans une « attitude ludique » qui est sûrement le facteur de l’engagement de ces “potterfictionneuses”. En effet, être fan de la saga semble être la condition sinequanone pour écrire des potterfictions. Nous considérerons qu’un individu ayant pris “plaisir” à la lecture de l’oeuvre n’a surement pas lu d’une traite tous les romans. Il a donc été soumis à l’incertitude quant à la fin de l’histoire, jusqu’au dernier chapitre, et c’est cette incertitude qui participerait à cette sensation de plaisir et par conséquent à « l’attitude ludique ». C’est en ce sens que nous avons  voulu parler « d’une attitude ludique » dans laquelle s’insère le lecteur. On pourrait donc émettre l’hypothèse que tous les fans de la saga sont des individus s’étant inscrit dans une lecture ludique, pourtant tous les fans d’Harry Potter n’écrivent pas de fanfictions, ils y auraient donc d’autres facteurs menant le fan à écrire des fictions.

L’identification aux personnages fictifs par leur place centrale dans les fictions – tels des personnages d’un jeu vidéo se déplaçant dans un univers secondaire – serait l’un des indices de la jouabilité dans les fictions. (Barnabe, 2014) On pourrait donc penser que l’envie d’écrire des fanfictions est dût à l’identification à certains personnages comme tornadesteph qui préfère Voldemort ou alors LoveYouAniway qui est “fan” de Giny Weasley. Dès lors ces membres se cantonneront à lire ou n’écrire que des fictions traitant uniquement du personnage auquel ils sont attachés.

En effet, selon Sébastien François: “ La raison d’être des fanfictions se trouve en partie dans une attitude active, voire critique, face aux produits médiatiques adorés, entre « admiration » pour ce dernier et « frustration » face à certains choix officiels” et c’est ce qui expliquerait pour Cécile Cristofari qu’en plus d’une simple identification de la part de l’auteur, il y aurait un désir de modification de l’oeuvre. Nous retrouvons cela dans les fiches de présentation, par exemple celle qui « les relis sans relâche depuis [ses] huit ans  » (en parlant de la saga – MJ-I-miss-you) ou encore celle qui après la lecture du Prince de sang mêlé (tome 6 de la saga) “c’est retrouvé sur sa faim” et “après moultes interrogations, [elle c’est] dit que le meilleur exutoire était d’écrire ce [qu’elle] imagine être sa vie de l’enfance (Rogue) jusqu’à ce qu’il rejoigne l’ordre du Phoenix”(Flammeche). Il semble donc que cette attitude active entre frustration est adoration participe à la rendre ludique car il semble qu’elle serve plus l’intention de jouer avec l’oeuvre qu’une réelle intention de critiquer cette dernière.

Il y aurait donc au delà d’une attitude critique un positionnement pris par l’auteur des fanfictions vis à vis du produit médiatique. Le fan en lisant plusieurs fois les tomes d’Harry Potter s’est construit un imaginaire autour de la l’oeuvre. Ce positionnement indurait donc une définition et une représentation personnelle de l’oeuvre.

Il nous semble important de souligner que la lecture de “Harry Potter” n’est pas l’unique source d’inspiration de la représentation de cette univers pour ses fans. Même si sa diffusion annuelle sur sept ans à permis d’alimenter la curiosité des fans, entre la parution de deux tomes, et ainsi créer des terrains fertiles à l’écriture de fanfictions. Il semble que la diffusion de “Harry Potter” à l’échelle de plusieurs médias tels que le cinéma ou les jeux vidéos participent aussi à l’élaboration de son univers.  Pendant nos lectures de fanfictions nous avons en effet remarqué l’influence des films sur les descriptions de personnages,  comme dans la fiction de Selket où la fusion des personnages Sirius Black et Faramir a été rendue cohérente par une comparaison des acteurs qui jouent respectivement ces rôles au cinéma et qui ont des caractéristiques physiques communes. De plus, certaines “fictionneuse” comme Flammeche avouent même avoir découvert “Harry Potter” via les films et lu les tomes par la suite.

On peut donc dire que l’identification à un personnage, l’attitude active entre adoration et critique par rapport à l’oeuvre d’origine et ces trans-médiations, vont inciter le fan à se lancer  dans “un processus d’écriture des possibles”. (Genvo, 2011) Dans le cadre strict de l’écriture il n’y a que l’imaginaire de l’individu qui peut mettre des barrières à la mise en place du processus créatif, mais ce n’est pas le cas pour l’écriture d’une fiction sur la saga de “Harry Potter”. Malgré cela,  les sujets des fanfictions concernant “Harry Potter” sont très variées.

Effectivement, lors de l’analyse de leur contenu, nous avons été frappé par la diversité des sujets dont elles traitaient à l’exemple de celle de Clairedelune traitant de Harry et Drago ou ce dernier pleure de mort de l’autre et de leur amour qui étaient interdit. A l’inverse celle de Crystalina  évoque une romance entre Drago et Hermione née de l’aide apporté par cette dernière à Drago durant sa reconversion civile après sa sortie d’Azkaban. Enfin pour n’en citer que trois la fiction de Zabueco mettant en scène Neville et Luna (personnages secondaires dans l’oeuvre original) se retrouvant au Canada pour plaider la cause d’un animal en voie d’extinction: le Béluga. Mais cela nous a donc permis de constater l’éclatement de l’attachement au produit dont parlait Sébastien François. A sa manière nous avons tenté de distinguer “ce qui peut relever de stratégies conscientes et raisonnées pour s’affirmer avec tel ou tel attribut identitaire, de ce qui constitue un aveu inconscient ou involontaire issu d’une situation réelle et vécue” (Sébastien, 2009)

Mais il nous faut distinguer un deuxième concept, afin d’éclairer notre analyse du contenu  des fanfictions, c’est celui des “aires d’expériences” inventé par Winnicot et repris par Cecile Cristofari (2010) comme “l’espace potentiel entre l’individu et son environnement, un espace intermédiaire qui nouent relations entre le moi et l’extérieur”. Le paradigme de cette auteur est que les lecteurs de fanfictions ressentent le besoin de créer un intermédiaire. C’est à dire qu’une fictionneuse va élaborer un univers secondaire en référence à ses espaces potentiels où elle “soude son rapport au monde” et l’oeuvre d’origine à elle-même. Nous analyserons donc si l’écriture de fanfictions semble relever  d’une dualité entre attribut identitaire et aveux personnel d’une part et d’autre part si,  l’on peut observer une rencontre entre une aire d’expérience subjectives du monde vécu et l’expérience de l’oeuvre originale, et qui permettent de donner “corps” à l’écriture. L’analyse de deux des cinq fanfictions mettra en exergue notre propos.

La première, s’appelle “18juillet 2020” elle est écrite par Roberts, c’est une fiction courte, tout public qui  donne à voir la vie d’une adolescente dans un monde qui ne la comprend pas. L’histoire traite d’une sorcière sans pouvoir, une « cracmole » parmi les Weasley, famille de sorcier réputé dans l’histoire de J K Rowling. Elle se retrouve rejetée par sa communauté, obligée de s’adapter à une autre en allant au lycée et non à Poudlard, elle ne supporte plus la magie, elle l’a supportée toute sa vie et elle l’abandonne pour un futur plus souriant à sa majorité. On pourrait penser que l’auteur fait écho à son adolescence, peut être houleuse, à un séparation parentale difficile, à un fossé creusé entre ses parents au fil du temps et qui semblerait relever d’un aveu involontaire. Plus simplement  cela peut être l’expression d’un désir d’émancipation propre à son âge et l’histoire de sa sorcière se référait donc à son imaginaire de l’émancipation. On pourrait voir dans cette fanfiction le dilemme de tout jeune lecteur d’Harry Potter, rêvant de devenir un jour sorcier et qui résolu rejoint la vie de “moldu” car il finit par cesser d’y croire. Ici, il y aurait peut être identification au personnage à tel point que sous les traits du personnage se cache en “réalité” l’auteur. C’est-à-dire que l’auteur se mettant à la place de son personnage, auquel il porte une affection particulière et lui “crée” ainsi une mentalité singulière à partir de sa propre expérience.

La seconde fanfiction, “Des larmes tomberont du ciel” par Clairedelune est une romance slash (romance entre deux protagonistes du même sexe) entre Drago Malefoy et Harry Potter, ce dernier étant décédé Malefoy pleure son amour disparu en se remémorant l’injustice de leur histoire dans le cimetière de Godric’s Hollow. C’est une fiction où l’auteur nous offre sa perception d’un amour entre deux hommes non acceptés par leur société, obligés de se cacher au yeux du monde de pars trois mots “magiques”: “ Perdus, Feindre et Mentir”. On retrouve dans cette fanfiction les stéréotypes de l’amour interdit, thème récurrent des tragédies grecques où aucune fin heureuse ne semble possible. Ce récit symbolise peut être la vision ou la perception que l’auteur se fait des relations homosexuelles ou tout du moins du point de vue de la romance entre deux hommes. Le fait d’utiliser pour sa fiction, deux des personnages les plus emblématiques de la saga, et que le lieu de l’action soit le cimetière de Godric’s Hollow (lieu sombre emblématique de la saga), nous sommes tentés de parler en terme d’aires d’expériences. Celle-ci écrit ce texte se situerait en articulant son aire d’expérience du monde (conception des relations) et aire d’expérience de l’oeuvre (description des personnages et des lieux) qui ensemble participeraient à une nouvelle aire construite par la potterfictionneuse. Ou alors, comme l’a souligné Cristofari, “l’usage de l’homosexualité est peut être utilisée pour brouiller les frontières entre les genres auquel  ces adolescent(e)s se retrouvent de plus en plus confrontés”. Par conséquent, cette fiction  pourrait être la confession d’un aveux involontaire face à une situation vécue. Il semble évident que la vérité nous est inaccessible mais elle doit probablement se situer dans un entre deux qu’une analyse si peu étendue que la nôtre et vide d’entretiens qualitatifs nous empêche de démontrer.

En revanche les fanfictions ont bien toutes un trait commun : la démarche d’écriture rationnelle des auteurs par rapport à l’oeuvre originale. Les auteurs veulent à la fois dépeindre une réalité concrète avec de “vraies” situations tout en adaptant cela à l’univers “irrationnel” de la saga où la magie est quotidienne. Il font donc preuve d’une certaine rationalité pour allier les deux. C’est pourquoi, dans la première fiction (18 juillet 2020) on  retrouve une foule de références à la fois au conflit familial et à des outils techniques modernes comme le téléphone portable, mais aussi à l’univers  d’Harry Potter (la baguette magique, la famille Weasleys, les rues de sorciers…).  Ces éléments permettent aux lecteurs de retrouver l’univers magique auquel ils sont attachés et des situations assez quotidiennes. Dans la deuxième fiction concernant la romance entre Drago et Harry, la psychanalyse de Drago quant à son histoire avec Harry constitue la rationalité de la scène. En effet dans la saga, les protagonistes se vouent une détestation profonde, l’enjeu est donc de rendre leur amour crédible et cela passe par une presque psychanalyse de Drago « Parce que Drago était un être de glace, qui ne devait ni tressaillir, ni sourire, et encore moins faillir. Des années durant, il s’était façonné ce masque, dissimulant haine, amour, rancœur à l’intérieur pour se protéger et protéger surtout celui qu’il avait aimé, celui qu’il avait pris l’habitude d’appeler en public Le Balafré, pour tromper le monde, tromper ses comparses, tous ces gens susceptibles de les juger et de les lyncher. » Toutes ces explications relatives à l’état d’âme de Drago ont pour but de mettre en avant son côté humain, de comprendre pourquoi il a en fait été horrible avec Harry toutes ces années, afin que leur romance reste malgré tout crédible. Le même processus se retrouve dans la série Plus belle la vie, les scénaristes pour rendre aussi réalistes leurs histoires mettent l’accent sur les émotions des personnages et notamment sur leurs ressenties, leurs motivations par rapport à leurs actes (Mille,2011). La rédaction de fanfictions découle donc peut être d’un besoin du fan de créer une nouvelle aire d’expérience à partir de son monde à lui et de son appréciation de l’œuvre aboutissant alors à des aveux involontaires. L’objectif pour les fanfictionneuses serait alors la cohérence de leur récit via la rationalité qui deviendrait donc l’activité ludique de leur pratique. Pour le lecteur l’idée serait de déceler cette ludicité propre à l’auteur et à son histoire.

Ainsi, la ludicité de la fanfiction trouve son origine dans le processus d’écriture qui développe chez l’auteur un point de vue particulier en rapport à une situation précise  et à l’oeuvre original. Or, l’auteur ne peut jauger tout seul la crédibilité et la rationnalité de sa production. Le numérique apparaît donc comme un support permettant de se confronter à un public. L’auteur obtient des retours sur ces textes et par conséquent peut encore plus “jouer à l’auteur” via la publication ou l’évaluation de ses fanfictions.

Le jeu “hors jeu” : l’extension de la pratique d’écriture au delà des fanfiction et la multiplicité des rôles des membres du site

Le rassemblement de fans autour du blog « hpfanfiction » n’a pas pour unique enjeu la rédaction et la lecture de fanfictions, même s’il en est bien entendu le moteur principal. Autour des fanfictions se déploie en effet une multitude d’éléments. Cela peut aller de la présentation de l’auteur – de son âge à ses motivations jusqu’à des détails parfois insolites – ou encore à des marques de dialogique entre l’auteur d’une fanfiction et ses lecteurs. Dans cette partie nous allons donc voir comment la pratique de l’écriture s’étend au delà des frontières de rédaction d’une fanfiction d’Harry Potter. Nous verrons à travers les fiches de présentations des auteurs, les présentations de fanfiction, les notes de début et de fin de chapitres ainsi que les reviews, comment le jeu continue alors qu’il dépasse le  cadre narratif du récit fictionnel, qu’il n’est plus fanfiction.

Un individu qui décide de rejoindre le site hpfanfiction commence par remplir une fiche de présentation, c’est la condition sinéquanone pour publier sur le site.  Comme son nom l’indique la fiche de présentation sert “d’indice” à l’ensemble de la communauté fan présente sur le site. Très détaillée, elle relate des informations de fait sur la personne : âge, sexe, diplôme et surtout des explications, voire des justifications concernant leurs personnages préférés, ou encore leurs motivations qui les ont poussées à l’écriture. Ces fiches semblent s’apparenter à des cartes d’identité rattachées à l’univers d’Harry Potter où chacun choisit son pseudo. Elles ont pour but de communiquer plus aisément entre fans. En effet, comme on y précise ses personnages préférés ou autre cela sert de repère aux autres membres. On sait ce qu’on va trouver avec Linloir qui revendique dans sa description son goût pour “faire souffrir ses personnages” et dont le but est  de “convertir tout le monde au serpentarisme”. On retrouve l’idée de “second degré” décrit par Fanny Barnabe, il y a une interaction avec le lecteur, cette mise en scène de l’auteur est un moyen d’entrer dans la communauté par le biais de l’humour et la mise à distance par rapport à la réalité.

Cependant ces fiches restent investies par les membres du site de façon diversifiée. Certains choisissent donc de les remplir avec exhaustivité , tandis que d’autres ont une approche plus distancée avec, et n’indiquent que leur pseudo. Cela n’a donc pas valeur de contrainte car cette fiche qui est imposée par les administrateurs reste assez libre, elle constitue davantage une indication pour la fanbase présente pour le site. Cela participe au processus créatif des différentes fanfictions, à leur élaboration.

Néanmoins, la fiche de présentation n’est pas dans la continuité de la rédaction des fanfictions puisqu’elle lui est antérieure (sauf si un membre a écrit une fanfiction avant de s’inscrire sur le site), elle participe au jeu sans toutefois trop l’orienter. On notera tout de même que parfois c’est la fiche de l’auteur qui prescrit ses orientations et peut permettre de jauger son rapport au canon. Ce dernier correspond à l’extension d’une oeuvre (littéraire, cinématographique…) par des tierces personnes, souvent des fans, qui décident de faire subsister une production qui leur est chère via différents processus créatifs, comme la fanfiction. L’univers créée par ces auteurs-amateurs à partir d’une oeuvre préexistante devient alors presque aussi réelle que cette dernière. Les histoires parallèles des personnages ont presque autant de valeur et de crédit que celles des auteurs de base.

Dès lors ce qui oriente vraiment les fanfictions, qui fait partie du jeu de l’écriture sur internet, sans en  être réellement puisque ce n’est pas évalué, ce sont les notes de début et de fin de chapitre.  Celles-ci ont pour but de conduire le lecteur tout au long de l’histoire. Le narrateur y explicite son propos, livre des détails afin de bien contextualiser l’histoire, revenir sur les événements marquants des différents chapitres. Bref elles accompagnent le lecteur dans sa lecture.

Les notes de chapitres de Selket ont particulièrement attirés notre attention car elles sont très précises. Sa fanfiction fait partie du genre “CrossOver”, un mélange d’éléments appartenant à deux univers différents, avec pour trait commun celui d’Harry Potter. Ici l’auteur a choisi de mêler Le seigneur des Anneaux à sa saga préféré, et ayant conscience que son choix sera probablement méconnu par certains, elle aide à la compréhension de tous via ses notes.

A l’instar de ce commentaire on voit qu’il y a beaucoup d’explications de la part de l’auteur, de précisons concernant les éventuelles questions de ses lecteurs. Elle est sensible à la clarté de son récit et ses autres notes de chapitres confortent ce postulat. L’auteur avoue occulter volontairement des personnages et explique être obligée de raconter les scènes importantes, surement déjà connues par les connaisseurs du seigneur des anneaux. Les notes servent à ceux n’étant pas familiers à l’œuvre et facilitent ainsi l’accès au récit.

En outre, la précision du sujet (CrossOver), la fiche de présentation générale de la fanfiction a une double importance. Annoncer à l’avance le genre de la fanfiction et écrire un synopsis est un moyen de trier les textes pour le lecteur. Le droit d’auteur libre justifie en effet le classement par genre et non par la plus grande légitimité de cette fanfiction par rapport à une autre. Cela lui permet de sélectionner des contenus de lecture à l’exemple de la catégorie “rating” qui signale que le contenu est inadapté aux moins de 18 ans.

Pour Cécile Cristofari, la précision du sujet traité dans les notes de chapitre permet également aux lecteurs d’expliquer « a priori » les problèmes de compréhension qu’ils pourront rencontrer et montrer que cela ne vient pas d’une connaissance approximative du canon mais d’une volonté délibérée de leur part d’occulter certains faits

Que ce soit les fiches de présentation ou les notes de début et fin de chapitre, ces deux éléments peuvent être considérés comme étant en dehors de la jouabilité de la fanfiction, puisqu’il ne s’agit pas de l’écriture au sens stricte d’une fiction. Comme les prologues et les notes de bas de pages font partie d’un livre, celles-ci font partie du processus rédactionnel de la fanfiction. C’est le résultat d’une écriture publiée par petits bouts, les notes de bas de page font presque office de mise à jour.  On peut même aller plus loin en disant qu’elles sont indispensables. Au delà de leur aspect descriptif relatif au récit, elles sont le lieu où les auteurs demandent conseils et avis aux lecteurs. Sur les cinq fanfictions que nous avons lues, toutes contenaient ce genre de commentaire « N’hésitez pas à donner votre avis surtout ! ». La présence d’autrui est en effet constamment sollicitée par l’auteur (Sébastien, 2009)

Ces notes participent à la constitution de la communauté  des membres de « hpfanfiction », elles entretiennent leur sociabilité. Cette interactivité entre l’auteur via ses notes de chapitres et les reviews laissées par les lecteurs (soit les commentaires appréciatifs)  sont la marque d’une « culture participative » entre lecteurs et consommateurs. (Barnabe, 2014) Or, ceci est la conséquence du numérique, et plus précisément d’Internet qui a permis cette incitation à la participation. Il n y a pas de médiateur entre l’auteur et le lecteur, ce dernier peut s’adresser directement à l’autre et inversement. Une telle configuration modifie les rapports entre les deux personnes au statut différent comme le décrit Fanny Barnabe:

“La participation des lecteurs peut trouver une forme accrue dans la pratique de la bêta-lecture (…) : en modifiant le texte avant sa parution ces lecteurs-experts prennent part à une partie de son énonciation. Enfin, ces différentes formes de lectures critiques aboutissent généralement dans le passage pur et simple à l’écriture : les lecteurs qui font le pas de commenter les fanfictions d’autrui sont très généralement auteurs eux-mêmes”.

L’échange entre le lecteur et l’auteur peut donc réellement bouleverser le cours de l’histoire, et de surcroît, il y une une importante interchangeabilité entre les rôles du lecteur et de l’auteur, d’où le terme de “culture participative”. Celui qui commente est presque systématique auteur également. Nous sommes donc bien en présence d’une communauté où il n y a pas de hiérarchie bien définie entre les membres, elle est assez libre d’accès et les positions y sont relatives. On peut très bien organiser un concours, écrire une fanfiction pour un challenge ou commenter la fanfiction d’un tiers.

Au regard de ces constats, il apparaît évident qu’être fan d’Harry Potter et de publier ses fanfictions sur Internet ne se limite pas à la simple rédaction de ces histoires alternatives. Il existe en effet tout un ensemble de variables (fiche de présentation, commentaire, ou review) qui participe à cette culture d’Harry Potter, a priori hors jeu. Tout comme le jeu multijoueurs World of Warcraft est associé à de multiples forums relatifs aux guildes des joueurs sur Internet (Zaban, 2009), les fans d’Harry Potter ont des supports “annexes” à leur fanfiction pour entretenir cette culture fan. On peut néanmoins se demander si ces supports relatifs aux fanfictions sur internet sont vraiment hors jeu ? Quelque part ils le sont mais font partie intégrante du jeu.

Le processus de gamification à travers les fanfictions publiées sur Internet

Au delà des différents supports autour des fanfictions qui constituent des matériaux sensibles pour les auteurs, les apprentis écrivains se sont imposés et se sont vus imposés diverses contraintes de par le passage au numérique qui feront l’objet de notre analyse ici.

En effet certains auteurs se plaisent à se mettre des contraintes qui guideront leurs fanfictions tout au long de l’écriture. Ces règles prescrites volontairement peuvent être de nature multiple. Dans nos observations en ligne nous retenons le cas de Roberts qui décide d’écrire une fiction en une seule fois, un “one-shot” ce qui contraste avec la majorité des fictions écrites par mise à jour permis par le format d’écriture en ligne. Dans cet type de fiction la fictionneuse tente de “capturer” sa vision à ce moment là. D’obtenir le texte le plus élaboré dès le premier essai. C’est un moyen pour montrer son niveau littéraire. La fiction de Clairedelune, portant l’étiquette de “drabble” qui est défini sur wikipédia de la façon suivante:

“Un travail extrêmement court de fiction littéraire contenant exactement cent mots en longueur,le titre ne compte pas dans le nombre de mots.”

Le but du “drabble” est d’évaluer la capacité de l’auteur à exprimer des idées intéressantes dans un nombre de mots extrêmement limité”. L’objectif semble le même que celui des “one-shots”. On pourrait donc penser que le fait de se plier à certain exercice littéraire augmenterait le potentiel jouable de la fiction non écrite encore.

D’autre part, l’existence de genre particulier comme le “CrossOver” de Selket atteste d’un désir de fusion de deux canons en restant dans la recherche de rationalité propre à la fanfiction. Elle tente donc de créer des liens “logiques” entres les deux, par exemple le fait de vouloir faire coïncider la mort des deux personnages (Sirius/Faramir). Par ailleurs, le nombre conséquent de « reviews » atteste de la réussite de la fictionneuse. Qui en s’imposant cela augmente la difficulté de la production de sa fiction. On retrouve aussi cette idée dans la fiction de Zabueco se revendiquant comme un univers alternatifs. La recherche dans cet exercice n’est donc plus de produire uniquement un récit rationnel par rapport au canon mais aussi rationnel par rapport à sa bifurcation à celui-ci. Ce genre de fiction pouvant sembler plus simple car s’accordant plus de liberté vis à vis du canon semble en vérité être beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît et cela a surement pu participer à augmenter le plaisir que la fictionneuse à eu à écrire sa fiction  et donc améliorer son expérience ludique de la pratique.

Il faut toutefois prendre en compte, les écrits de François Sébastien qui nous apprennent que la fiction n’est pas une pratique nouvelle et que par conséquent des genres préexistaient lors de l’écriture de fiction actuel et les influencent. Cependant et selon nous, ces cadre de références  servent autant à l’expression d’une attitude ludique, qu’ils attestent d’une réflexivité de la part des fictionneuses  à l’égard de leur production. Nous avons donc remarquer qu’il existe des normes que se pose l’auteur pendant l’écriture or pendant notre observation en ligne nous avons étudié des productions numériques. Il convient donc à présent de se demander dans quels proportions, les contraintes du support numérique et les contraintes que se fixent l’auteur ou fixés par une portion de la communauté lors d’événements participent à l’établissement d’une jouabilité dépassant la pratique isolée.

Durant notre observation et en particulier lors de la sélection des fictions que nous allions lire, nous avons été frappés par le nombre de fictionneuse ajoutant un image dans leur résumé. Ces images créés par des fans dans la majorité des cas sont appelées “fanarts”. Elles ne sont pas obligatoires pour publier sur le site, mais elles semblent représentatives de la fiction car sélectionnées ou créées par l’auteur. L’image est plus frappante qu’un texte surtout lorsque l’on traite de “littérature de l’imaginaire” (Barnabe, 2014).  Comme dit plus haut nous avons remarqué l’importance des résumés dans la poursuite de l’attitude ludique car elle sert d’amorce à la curiosité et à la possible synchronisation des aires d’expériences entre utilisateurs par la suite. L’utilisation d’un “fanart” dans la présentation de la fiction de Clairedelune, représentant un jeune homme en train de pleurer sous la pluie rappelle le titre de la fiction  et nous informe autant qu’un résumé sur ce que nous allons trouver dans la fiction. En ce sens l’utilisation de “fanart” peut être perçue comme une contrainte informelle que s’impose de temps en temps l’auteur de la fiction et qui renforce la jouabilité en ligne déjà permise par les commentaires et les notes de l’auteur.

Par ailleurs, les “song-fics”, définies comme une fiction qu’il faut accompagner d’une ou plusieurs chansons prescrites par l’auteur semble aussi partager le même objectif que les “fanarts”. Bien que nous n’ayons pu que survolés ce phénomène lors de notre enquête du fait que nous nous sommes basés sur la lecture de cinq fanfictions. Cette idée d’ajouter une chanson qui fut peut être écoutée par l’auteur lors de l’écriture ou  alors qu’elle juge représentative de sa fiction à l’instar des “fanarts”. Cela conforte notre hypothèse d’une recherche de synchronisation d’aires d’expérience car par les “fanarts” ou la chanson ajoutée à la fiction l’auteur voudrait replacer le lecteur dans la même attitude ludique dans laquelle il s’est inséré lors de l’écriture.

On pourrait voir aussi l’intention de prolonger une expérience de l’imaginaire à une expérience sensorielle (visuelle,auditive). Cela faciliterait l’immersion et par conséquent la jouabilité avec un mimétisme de l’ancrage sensoriel que s’impose l’auteur lors de la transmission de sa fiction.

Enfin, lors de nos observations, autant des fiches de présentation, des fictions que du site en lui-même une chose semble non traitée: l’existence de concours, au sens d’une compétition, entre les membres de la communauté.

Sur les cinq fictions étudiées trois ont été écrites dans le cadre d’un concours: la fiction de Zabueco à été rédigé lors du concours “métamorphosis” où il était exigé de faire intervenir au moins deux métamorphoses dans la fiction. Celle de Crystalina s’insère dans les règles du concours « Qui a dit qu’un Dramione n’était pas crédible ? », c’est à dire que Drago et Hermione doivent être les protagonistes principaux, dans un cadre temporel avant ou après Poudlard en évitant une énumération de ce que le jury appelle “clichés”. Il y a aussi une contrainte de taille: elle doit être comprise entre 1000 et 20000 mots. La troisième fiction que nous avons étudié entrant dans le cadre des concours est celle de Seklet participant au concours “Lézarts” demandant aux fictionneuses: deux phrases de leur auteur favori en référence à l’univers choisi pour le “Crossover”. A cela s’ajoute l’insertion de paroles de trois musiques choisies aléatoirement, d’une référence à un tableau et l’explicitation d’un sentiment intrinsèque au protagoniste de la fiction. Nous remarquons donc que l’ajout de ces contraintes ne semble pas nuire à la fictionneuse dans l’écriture de sa fiction, elles concourent tout autant que “l’attitude ludique” à rendre jouable cette pratique.

Le site propose même des évènements intrinsèques à sa communauté d’utilisateurs avec par exemple la nuit des “Héros Du Papier Froissé” où les membres se voient attribuer un nouveau thème de fiction toutes les heures pendant une partie de la nuit ou alors l’onglet concours officiel qui renseigne sur les concours organisé par l’association modératrice du site . D’autres concours peuvent se passer ailleurs que sur le site et dans ce cas celui-ci sert de relais de publication, d’archivage et d’évaluation de sa fiction. Mais dans quels buts participer à des concours? Est ce juste “une envie” ressentie par les fictionneuses?

Nous voulons émettre l’hypothèse qu’il y a une certaine reconnaissance dans la participation à des concours car les fictionneuses qui en ont remportés l’ont systématiquement inscrit dans leur fiches de présentation comme par exemple a fiche de présentation de Flodalys  qui sert plus d’exposition de ces différents trophées qu’une réelle description personnelle. On pourrait comparer cette dimension des concours à des “hauts faits”, action difficile réalisée par le joueur et récompensée par un trophée n’octroyant aucun bonus mais attestant simplement de l’accomplissement celle-ci  que l’on retrouve dans les jeux vidéos. Il y a valorisation des ces “hauts faits” chez les joueurs tentant d’appréhender le jeu dans son intégralité. On pourrait donc penser que la présentation à des concours permis par la mise en réseau des fictionneuse entre-elles crée un nouvel univers de jouabilité s’articulant à la fois par l’attitude ludique initiatrice, que du respect des normes d’écritures imposés par d’autres dépassant la simple vision d’une pratique ludique que l’on aurait passé à l’échelle numérique.

CONCLUSION

Nous conclurons par le biais d’un tableau récapitulatif de notre enquête:

S’agissant de poursuivre l’enquête, plusieurs pistes semblent intéressantes. Tout d’abord, des entretiens qualitatifs nous permettront de confirmer l’ensemble de nos hypothèses. A cela il faudrait ajouter une étude précise de la pratique des concours afin de mieux déterminer quels enjeux ils soulèvent et dans quelles conditions ils sont définis, par qui, pourquoi, et comment. Acquérir cette connaissance via des entretiens qualitatifs, nous permettrait de savoir si il y a effectivement une « gamification » de cette pratique par le biais des concours. De surcroît nous pourrions également appréhender les fanfictions comme des espaces d’apprentissage, et par conséquent, pour reprendre l’expression de Berry comme une “communauté de pratique”.

BIBLIOGRAPHIE:

  • BARNABE, Fanny, « La ludicisation des pratiques d’écriture sur Internet : une étude des fanfictions comme dispositifs jouables », Sciences du jeu [En ligne], 2 | 2014.
  • CRISTOFARI, Cécile, « Lecteur, acteur : la culture populaire revisitée par les fanfictions et les jeux de rôle », TRANS- [En ligne], 9 | 2010.
  • MILLE, Muriel,« Rendre l’incroyable quotidien. Fabrication de la vraisemblance dans Plus belle la vie», Réseaux 1/2011 (n° 165) , p. 53-81
  • SEBASTIEN, François, “Fanf(r)ictions. Tensions identitaires et relationnelles chez les auteurs de récits de fan”, Réseaux 2009/1 (n°153), p. 157-189.
  • TRILCOT, Mathieu, “Game studies ou étude du play? Une lecture croisée de Jacques Henriot et de Jesper Juul”,Sciences du jeu [En ligne], 1 | 2013.
  • ZABAN, Vinciane, “Hors jeu? Itiniéraires et espaces de la pratique des jeux vidéos en ligne”, Terrain & travaux 2009/1 (n°15), p.81-104

Annexes:

A- Méthodologie lecture/observation des fanfictions:

1- Analyse de la page de présentation de la fiction
2- Découpage et note de début et fin de chapitre
3- Référence à son identité pour soi (volontaire? ou non?)
4- Référence à son identité pour autrui?
5- Identification personnage/couple?
6- marqueurs dialogiques avec le lecteur?
7- analyse de « reviews »
8- Processus ludique de lecture
9- Processus ludique d’écriture

B- Base de données quantitatives des fiches de présentations:

IDENT PSEUDO Sexe AGE Emploi ancienneté nb fanfictions nb commentaires niveaux modération Favoris
1 Melfique F 20 X 03/03/12 5 158 membre 21
2 Eileen Ashkent F X X 10/03/13 7 40 membre 4
3 MJ-I-miss-you F 17 étudiante 08/14/11 3 48 membre 10
4 Angel_of_Shadows F 19 étudiante 12/20/05 22 124 membre 19
5 Lyane F X X 01/01/06 16 212 modérateur 70
6 Princesse F X X 11/06/07 25 827 membre 48
7 Sirius07 F X X 07/29/06 8 499 membre 180
8 Anonymous59 X X X 01/08/06 2 0 X X
9 Tobby F X monde de l’agriculture 12/23/05 5 17 4
10 Morgwen F 33 prépa 01/02/06 37 97 membre 23
11 Flammeche F 33 X 02/05/06 6 53 membre 7
12 Freyda dOraison F 35 enseignante 01/02/06 9 136 membre 8
13 Milady2 F X X 01/03/06 5 169 membre 17
14 Velanebleue F 20 fac de droit 12/29/12 4 8 membre 3
15 LoveYouAniway F 21 ingénieur agro 08/27/10 48 276 membre 54
16 Jukava X X X 04/29/09 74 1500 modérateur 13
17 Prudence F 18 étudiante 01/02/06 15 236 membre 35
18 Nyctalope X 25 dentiste 01/02/06 18 183 membre 12
19 Lousa F 23 X 01/02/06 10 29 membre 8
20 Melindra F X écrivain fanzine 01/02/06 12 42 membre 10
21 flodalys F 17 X 09/30/10 40 2702 membre 22
22 Keina F X X 09/27/07 10 1 membre 1
23 Yulietta F X X 07/15/13 1 1 membre 0
24 linloire F 23 X 12/11/11 8 55 membre 16
25 tornadesteph F X X 03/17/07 3 48 membre 6

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